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WARREN HASTINGS
ET SON DERNIER BIOGRAPHE

On avait toujours pensé que, par la savante ordonnance de la composition, par la vérité des portraits, par l’éclat du style, par la richesse des descriptions et des tableaux, le célèbre essai de Macaulay sur Warren Hastings était un des chefs-d’œuvre de cet éloquent et ingénieux historien. Il n’avait jamais eu plus de souplesse dans le talent, jamais son esprit incisif et sa vive imagination ne l’avaient mieux servi. Le sujet était propre à l’inspirer. C’est une destinée extraordinaire que celle de Hastings. Ce dernier rejeton d’une grande famille déchue, dont les biens avaient passé en des mains étrangères, en avait appelé ; il s’était promis dès son enfance de recouvrer le manoir et le parc de Daylesford. Il y pensait déjà lorsque, fréquentant l’école du village, il apprenait ses lettres avec les fils des paysans. « En contemplant les terres que les Hastings avaient possédées, son jeune esprit se repaissait de visions et de projets fantastiques. Il aimait à se faire raconter l’opulence et les grandeurs de ses ancêtres, leur train de vie, leur loyauté, leurs prouesses. Par un beau jour d’été, l’enfant, qui venait d’avoir sept ans, était couché sur le bord du petit ruisseau qui traversait l’ancien domaine de sa famille, pour aller se jeter dans l’Isis. Là, comme il le raconta soixante-dix ans après, naquit dans son esprit un projet qu’il ne perdit jamais de vue à travers les longs détours de sa carrière aventureuse. Il voulait recouvrer les biens qui avaient appartenu à ses pères, il voulait être un jour Hastings de Daylesford. Cette résolution, formée dans l’enfance et dans la pauvreté, se fortifia à mesure que se développait son esprit et que grandissait sa fortune. Il poursuivit son idée avec cette force de volonté calme, mais indomptable, qui était le trait le plus frappant de son caractère. »