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de l’entreprendre malgré ses observations, il n’a cessé de rechercher, en réduisant successivement nos répétitions, les moyens de tout résoudre pacifiquement sans nuire, sur un point quelconque, à la possession acquise au clergé grec. Nous avions demandé, à l’origine, par l’organe du général Aupick, la restitution totale de sept sanctuaires, et, à tout prendre, l’unique avantage que nous avions obtenu consistait à rentrer dans l’un d’entre eux, sans en exclure les orthodoxes. Mais cet avantage, si modeste qu’il fût, nous donnait les apparences de la victoire ; l’honneur était sauf, et notre représentant ne fit aucune difficulté de s’en contenter. Il n’avait pas poursuivi un autre objet. On ne persista pas moins, cependant, à faire porter uniquement sur lui le poids des préoccupations que la question des Lieux saints avait fait surgir, tant en Orient qu’en Europe. Ainsi s’établissent des légendes qui égarent l’opinion publique et lui suggèrent des jugemens erronés. J’en ai connu, depuis, de plus cruelles, dont j’ai eu personnellement à souffrir, et il a fallu, pour les détruire, un quart de siècle et la puissante intervention de celui qui les avait édifiées à l’aide de moyens dont il a eu l’audace de revendiquer la paternité.

Des causes accidentelles, je pourrais dire latérales, expliquent l’inique position faite, alors, à notre représentant en Turquie. La négociation qu’il avait suivie, en ménageant fort habilement tous les amours-propres et tous les intérêts, s’était prolongée pendant près de deux ans. Dans le cours de cette longue période, et surtout dans les derniers temps, la Russie avait tenu un langage, pris une attitude qui alarmait l’Angleterre, puissance protestante pour laquelle la question des Lieux saints était d’une futile importance. Son ambassadeur à Constantinople, lord Stratford de Redcliffe, y avait conquis une influence prépondérante, dont il était particulièrement jaloux ; prévoyant qu’elle pourrait se trouver amoindrie si on jugeait opportun, à Pétersbourg, de profiter de cette occasion pour tenter de ressaisir la position qu’on avait perdue en Turquie à la suite des événemens de 1840, il blâmait ouvertement les négociations que nous avions ouvertes, fort inconsidérément, disait-il. Il dénonçait donc à son gouvernement, comme intempestive et funeste, la mission que nous nous étions imposée ; il en signalait les dangers à sa cour en les exagérant. D’un autre côté, la France impériale, que la Russie n’avait pas accueillie avec les égards dus au nouveau gouvernement que le pays s’était donné, tentait de se rapprocher de l’Angleterre, et s’abstint de couvrir, comme c’eût été son devoir, M. de La Valette, dans la crainte de faire naître des difficultés propres à entraver sa politique. On loua officiellement et cordialement l’ambassadeur du résultat qu’il avait obtenu grâce à un