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d’un moment à l’autre. Elle était de 41 voix après les élections de juillet 1892, et n’est plus aujourd’hui que de 15, et même de moins dans certains cas. Ainsi un amendement de M. Jeffreys, qui demandait à la Chambre de déplorer à la fois les misères de l’agriculture, celles de l’industrie textile et celles des ouvriers sans travail, n’a été repoussé que par 12 voix. Certes, ce n’est pas une logique très simple qui a présidé à la rédaction de cet amendement, mais son auteur espérait, en juxtaposant ces morceaux disparates, former une coalition meurtrière contre le gouvernement, et il ne s’est pas trompé de beaucoup. Les ouvriers sans travail, les inemployés comme on les appelle, ont à la Chambre un avocat dans M. Keir-Hardie, le chef du parti ouvrier indépendant : sir William Harcourt a eu l’habileté de le désarmer en promettant une commission d’enquête parlementaire, qui serait chargée de rechercher les causes et les remèdes du mal. M. Keir-Hardie, comme on le voit, sait à l’occasion se contenter de peu. L’opposition comptait davantage sur un autre amendement présenté par M. John Redmond, le chef des neuf députés parnellistes qui ont fait défection au parti libéral. M. John Redmond demandait la dissolution immédiate afin que le pays pût se prononcer sur le home rule. Malgré l’appui que lui a prêté M. Arthur-James Balfour, l’amendement a été repoussé par 20 voix de majorité, ce qui a provoqué de vifs applaudissemens sur les bancs ministériels. Mais le ministère ne compte certainement pas sur la persistance d’une majorité tout accidentelle, due à ce fait qu’un certain nombre de conservateurs, en dépit des conseils de leur leader, n’ont pas cru pouvoir voter avec les parnellistes. La majorité vraie est probablement inférieure à 15 voix : c’est dire qu’elle est à la merci d’un mécontentement, d’une manœuvre habile, ou simplement du hasard. Tout le monde est convaincu que la session qui s’ouvre est la dernière de la Chambre actuelle : la seule question est de savoir si elle sera brusquement interrompue par un vote de la Chambre elle-même, ou si elle aboutira au terme encore ignoré que lord Rosebery lui a fixé dans son esprit.


FRANCIS CHARMES


Le Directeur-gérant

F. BRUNETIERE.