partie de recrues ignorantes, en partie de vieux soldats qui revenaient mécontens et parfois indisciplinés. La jonction des deux armées permettrait un mélange judicieux de leurs élémens. Et grâce à elle la puissance de notre nombre ne serait pas seulement employée, mais transformée.
Cette concentration pouvait s’opérer soit en portant l’armée de Châlons à Metz, soit en ramenant l’armée de Metz vers Châlons.
La concentration sous Metz offrait l’unique moyen de défendre la France à la frontière, l’unique chance de combattre isolément l’une ou l’autre des masses ennemies que séparait la chaîne des Vosges, l’unique espoir d’une offensive qui est le mouvement naturel du courage français. Ce parti eût été le meilleur si la jonction elle-même eût été certaine ou probable. Mais au lendemain de nos premières défaites, l’armée de Châlons n’existait pas : le corps de Mac-Mahon arriva au camp du 14 au 16, le corps de Failly le 19, le corps de Douay le 20 août. Elle ne pouvait donc commencer avant le 20 son mouvement. Cinq jours de marche séparent Châlons de Metz : elle ne pouvait donc arriver avant le 25. Or, dès le 15 août, comme on le verra plus loin, les armées allemandes étaient réunies autour de Metz, c’est-à-dire, bien avant que l’armée de Châlons s’ébranlât, campaient sur les positions qu’elle avait à atteindre. Y avait-il apparence que de tels adversaires, maîtres de leurs mouvemens, nous laisseraient libres du nôtre, et que, déjà placés entre les deux masses françaises, ils leur permettraient de se joindre ? N’était-il pas plus probable qu’ils emploieraient à attaquer l’armée de Metz le temps où l’armée de Châlons était encore hors de portée, puisque, laissant autour de Metz, pour nous contenir après nous avoir affaiblis, les troupes nécessaires, ils iraient avec le reste à la rencontre de notre seconde armée ? Notre marche vers Metz, au lieu d’assurer la jonction de nos forces, livrait donc nos armées isolées aux entreprises successives d’un adversaire qui pouvait écraser l’une et l’autre de toute sa masse. Or si une seule de nos armées était battue, c’en était fait de tout le plan ; si toutes deux succombaient, c’en était fait de toutes nos chances.
Ramener l’armée de Metz à Châlons était au contraire une opération sans hasards. Cette armée était prête à partir le 11 août, trois jours avant que les têtes de colonnes allemandes eussent atteint Metz. L’ennemi ne pouvait ni arrêter ni inquiéter ses premières marches, et, comme elles l’éloignaient de lui, il suffisait qu’elle ne s’arrêtât pas pour rester hors de danger. Le 15 elle pouvait atteindre Châlons, s’y grossir des troupes qui s’y