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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 février.


Une sorte d’accalmie règne sur nous depuis une quinzaine de jours À quoi doit-on l’attribuer ? À un peu de fatigue, sans doute : après les agitations de ces derniers temps, le même besoin de repos s’impose à tout le monde ; les plus passionnés et les plus ardens n’y échappent pas. À la nécessité de discuter et de voter le budget : le pays commençait à manifester de l’impatience, et même de l’inquiétude, en voyant se prolonger une situation anormale dont il devenait impossible de prévoir le terme. Peut-être aussi à l’amnistie qui a enlevé, au moins provisoirement, un prétexte aux agitateurs. Il faudrait avoir perdu toute mémoire pour compter sur les effets durables de cette mesure ; nous savons par expérience combien ils sont éphémères ; mais lorsque l’amnistie intervient au milieu d’une lassitude générale elle donne passagèrement l’illusion d’une détente. Au fond, elle n’a eu qu’un bon résultat, qui a été de permettre au nouveau président de la République de prendre possession de ses fonctions au milieu d’une tranquillité relative. C’est à lui surtout que l’amnistie a profité et le résultat, à ce point de vue, est assurément des plus heureux. À voir les manifestations qui se sont produites au Congrès de Versailles au moment où M. Félix Faure a été proclamé président, on aurait cru que la campagne d’injures, d’outrages et de violences qui avait été poursuivie contre M. Casimir-Perier, allait se détourner sur son successeur sans rien perdre de sa violence. Les bancs occupés par les socialistes et par les radicaux avaient pris un caractère tout à fait volcanique. Les voix s’élevaient, rauques et agressives ; les poings se dressaient avec fureur. Au bout de quarante-huit heures, il ne restait plus rien de cette ébullition menaçante. La sympathie générale avec laquelle était accueillie l’élection du nouveau président n’était troublée par aucune protestation discordante. Et cela sera pour le mieux, pourvu que cela dure ; mais c’est déjà quelque chose d’avoir bien commencé. On a vu rentrer triomphalement en France, d’abord à Calais, puis à Paris, M. Henri Rochefort. Une foule immense s’est transportée à la gare du Nord pour l’acclamer à son arrivée, et, dès qu’on a reconnu