Ne craignons pas de le répéter : si c’est là ce qu’il y a de grave, c’est justement aussi ce que favorise le principe du concours. Grâce au concours, on a poussé très loin l’instruction dans tous les genres, mais l’éducation manque de sanction immédiate et pratique. Ayez-en ou n’en ayez pas, c’est exactement la même chose, puisque la valeur morale ne comporte ni cotes ni coefficiens. Pas plus que l’examinateur, le professeur na donc à s’en soucier. Qui voulez-vous alors qui s’en soucie ? Ce ne (sera même pas la famille, — dont la bonne volonté redouterait d’entraver la préparation du concours, — et quand elle a réussi à« caser» son enfant, elle s’en remet à la vie de lui apprendre à vivre.
Il ne sera certainement pas facile d’atténuer les dangers des concours ! mais peut-être eût-on pu ne pas les aggraver à plaisir, et c’est ce qu’on a fait en augmentant, en surchargeant, en alourdissant les programmes à l’infini. La faute en est, dit-on, aux circonstances, plus fortes que les bonnes volontés; aux progrès mêmes de l’instruction ; aux exigences des services publics ; à la nécessité, — qu’on n’avoue pas, mais qu’on subit, — de diminuer le nombre des candidats, en les décourageant. Quoi donc ! céderons-nous toujours aux circonstances, et n’essaierons-nous pas de lutter au moins contre elles, sinon de les vaincre et de les dominer? L’art de la politique et celui de l’administration se réduiraient à trop peu de chose s’ils ne consistaient que dans une espèce de résignation musulmane aux circonstances ! Toute une partie du gouvernement n’a pas d’autre ni de plus important objet que de leur résister, ou de les diriger, ou de se les adapter au lieu de s’adapter à elles. Si nos programmes sont trop chargés, vainement donc nous répétera-t-on, avec des regrets ou des sanglots dans la voix, qu’on n’y saurait que faire; et il faut qu’on les allège. Les intérêts de l’instruction ne sont pas ici seuls en cause; il y en a de non moins importans dont il faut aussi qu’on tienne compte; et c’est ce qui m’amène à parler de ce que l’on a fait pour l’instruction aux dépens encore de l’éducation, en organisant jadis le Conseil supérieur actuel de l’Instruction publiques
Dans l’ancien Conseil, — celui de 1850 et de 1873, — des magistrats, des militaires, des conseillers d’État « en service ordinaire», des administrateurs, des évêques, des pasteurs siégeaient aux côtés des représentans naturels de l’instruction publique. C’était comme si l’on eût dit qu’avant d’être une question « professionnelle » la question de l’instruction publique était une question « sociale ». Et qui de nous, en effet, pourrait s’en désintéresser? De quelque manière que l’on définisse l’école ou le collège, nous avons tous le droit, nous avons l’obligation de nous