ou trois ans, pasteurs et parens, sages amis, anciens du Consistoire et magistrats du Conseil, tous ceux qui pouvaient avoir sur le jeune homme quelque salutaire influence, furent occupés à lui rappeler que, dans la république de Genève, ce commandement était de droit civil et pénal, en même temps que de droit divin. Amendes, prison, rien ne lui fut épargné. À quatre reprises, devant le Consistoire et devant le Conseil, il dut se mettre à genoux, reconnaître ses fautes, et demander pardon ; il se relevait, et n’était point corrigé. Ses interrogatoires, ses suppliques nous renseignent plus qu’on ne voudrait sur tous les détails de sa vie désordonnée. On ne peut guère les citer et les analyser. Je ne donnerai que le début de l’un de ses récits :
« Il y eut dimanche sept semaines que me promenant environ la retraite (batterie de tambours, à la fin de la journée) sur le pont du Rhône, accompagné de Jean Mutin et quelques autres, nous rencontrâmes au bout du pont Jeanne Z… et Sara sa sœur. Mutin leur demanda où elles allaient ? Elles répondirent assez hardiment et effrontément qu’elles cherchaient des galans. Sur quoi. Mutin me dit : Bernard, vois-tu ci une maîtresse ? Ce qui fit que je quittai la compagnie pour m’attacher à celle-ci, avec qui je me promenai jusqu’à onze heures… »
La jeune fille se laissa séduire par une promesse de mariage que, pour plus de solennité, Bernard écrivit avec son sang. L’affaire s’ébruita, on les mit tous deux en prison. Enquête, requêtes, procédures. Le Conseil déclara la promesse nulle. Ils continuaient cependant à se voir, jusqu’au moment où Jacques Bernard eut une nouvelle liaison, qui lui procura aussi quelques plaisirs et quelques ennuis.
À vingt-trois ans, il fit une fin ; il épousa le 29 juillet 1672 Anne-Marie Machard, fille d’un homme de loi. Il était d’usage à Genève que les jeunes mariées fissent leur testament pendant leur première grossesse. La mort pouvait être pour elles la suite des couches ; et la loi leur permettant de disposer de la moitié de leur dot, elles ne négligeaient guère de se servir de ce droit. Anne-Marie fit donc son testament, trois semaines avant la naissance de sa fille Suzanne, la mère de Jean-Jacques, laquelle vint au monde le 6 février 1673. Dans cet acte, « considérant, dit-elle, l’étroite amitié qu’il y a entre elle et le sieur Jacques Bernard, son très cher et bien-aimé mari, et les bons et agréables services qu’elle a reçus de lui dès leur mariage, elle lègue audit sieur Bernard la moitié de ses biens ; et au cas qu’il plût à Dieu qu’elle accouche heureusement du fruit dont elle est enceinte, et que les enfans qu’il plairait à Dieu de lui donner lui survécussent, elle