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La garde mobile comprenait les Français de vingt à vingt-cinq ans que le sort, les dispenses légales ou le remplacement avaient exemptés du service dans l’armée active. Elle comptait 400 000 hommes et pas un soldat. Par peur de mécontenter les électeurs, on ne l’avait pas exercée, elle se composait de recrues sans instruction et sans esprit militaire. A peine le quart était-il sur le papier groupé en bataillons et pourvu d’officiers. Parmi ces officiers même, quelques-uns, ayant appartenu à l’armée, connaissaient leur métier ; la plupart, nommés sans service ni examens, avaient sollicité leur grade par vanité, l’avaient obtenu par faveur, et étaient incapables d’enseigner à leur troupe ce qu’ils ignoraient eux-mêmes.

Le premier soin du ministère fut d’accroître ces forces. Le jour même de son avènement, il présenta et fit voter la loi du 10 août : elle appelait sous les drapeaux tous les hommes âgés de moins de trente-cinq ans, qui n’appartenaient ni à l’armée active ni à la garde mobile. Cette mesure donnait à l’armée plus de 500 000 hommes : le plus grand nombre, qui n’avait jamais servi, ne pouvait être d’un secours immédiat, mais les anciens soldats qui avaient passé sept ans sous les drapeaux se trouvaient aussi rappelés. Et si c’était un procédé révolutionnaire de leur faire payer une seconde fois la dette qu’ils avaient déjà et longuement acquittée, il rendait à la France, encore dans la plénitude de leur vigueur, ses soldats d’Italie, d’Afrique, et même de Crimée.

Les élémens capables d’une action immédiate servirent aussitôt à constituer une armée. Il n’y avait pas à délibérer où on la réunirait. Dès le commencement de la guerre, le camp de Châlons avait été destiné à recevoir nos réserves. Les installations permanentes permettaient d’y concentrer une armée ; des approvisionnemens considérables s’y trouvaient rassemblés ; enfin une quarantaine de mille hommes y étaient déjà établis. Ils étaient de valeur fort inégale : les 18 000 mobiles de la Seine, qu’on avait expédiés au camp pour débarrasser Paris de cette troupe révolutionnaire, donnaient l’exemple de l’indiscipline ; les troupes de ligne et l’infanterie de marine étaient bonnes. C’est sur Châlons que Mac-Mahon et de Failly ramenaient leurs corps pour se refaire. C’est donc là que Montauban dirigea les renforts dont il pouvait disposer. Il fit embarquer et transporter par les voies ferrées, de Belfort à Paris et de Paris à Châlons, le 7e corps. Grâce à cette activité, Mac-Mahon put réparer les pertes subies par son corps d’armée, de Failly et Douay compléter leurs effectifs, et le 12e corps se former. L’ensemble, le 20 août, dépassait 120 000 hommes.