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belles stèles du musée d’Athènes, celle de Prokléidès, a gardé des traces du fond rouge sur lequel se détache la draperie bleue d’un personnage assis. Une autre, celle d’Aristonautès, semble aujourd’hui dépourvue de peinture ; mais au moment où elle a été découverte, en 1861, elle gardait encore la riche décoration de ses moulures, de sa corniche et de son fronton. « Le bouclier du guerrier, écrivait F. Lenormant, était peint en rouge, et sur le fond du relief apparaissaient encore des vestiges du ton bleu dont il était originairement recouvert. Tout cela a disparu au contact de l’air et sous l’action de la pluie. « Nous connaissons d’ailleurs une assez nombreuse série de stèles où le bas-relief est remplacé par une peinture directement exécutée sur le marbre[1] et dans les monumens de travail négligé, dans les stèles à bon marché, on observe souvent une esquisse gravée au trait, destinée à guider la peinture. Il faut donc accepter cette idée qu’une nécropole grecque, comme celle du Céramique extérieur à Athènes, devait à la polychromie des monumens un aspect moins sévère que celui de nos cimetières ; les tombeaux peints, les stèles ornées de reliefs coloriés, s’y alignaient en une perspective pittoresque; le passant qui s’arrêtait devant un de ces beaux bas-reliefs funéraires y goûtait le charme de la forme uni à celui de la couleur ; et si nous voulons évoquer la vision d’une stèle attique avec sa délicate polychromie, nous penserons aux stucs peints de la Renaissance, en oubliant les bas-reliefs de pierre ou de marbre qui ornent les plus luxueuses de nos sépultures modernes.

L’exemple le plus précis, le plus concluant, de la polychromie appliquée au bas-relief nous est justement fourni par un monument funéraire. Avant la fin du IVe siècle, un sculpteur grec, contemporain d’Alexandre, exécutait le magnifique sarcophage si heureusement retrouvé par Hamdy-bey dans la nécropole de Sidon. C’est le « sarcophage d’Alexandre », aujourd’hui la pièce capitale du musée de Tchinily-Kiosk à Constantinople[2].

Nous n’avons pas à décrire ici en détail les bas-reliefs répartis avec luxe sur les quatre faces de la cuve : un épisode d’une chasse à la panthère, une chasse au lion, dont les principaux acteurs sont un Perse et un Grec, sans doute Alexandre; une furieuse mêlée de cavalerie entre des combattans macédoniens et perses, composition pressée, touffue, où se retrouvent la verve et l’emportement des scènes de batailles sculptées à Halicarnasse

  1. Milchhoefep, Gemalte Grabstelen, Athenische Mittheilungen, V, 1880.
  2. Il est reproduit en très belles héliogravures, avec une planche polychrome, dans l’atlas in-folio publié par Hamdy-bey et Théodore Reinach, Une nécropole royale à Sidon, Paris, Leroux, 1892.