qui, procureur général près la cour de Paris, avait atteint le sommet d’une carrière où l’indépendance n’était pas la vertu la plus utile et occupait un poste réservé de tout temps aux amis éprouvés de la dynastie. Aux finances, M. Magne apportait, avec l’expérience de ses précédons ministères, la tradition d’une époque où les ministres ne se croyaient pas de devoirs au Palais-Bourbon et pas de droits aux Tuileries. Le président du Conseil enfin, reconnaissait dans le Parlement la même majorité qui lui avait, quelques années avant, refusé une dotation.
La Chambre n’obtenait que les trois portefeuilles, alors secondaires, du commerce, des travaux publics, et de l’instruction publique. Et plus encore que la modestie de cette part, le choix des personnes était significatif. Au commerce était appelé M. Duvernois. Il avait débuté par le journalisme avec le nécessaire, c’est-à-dire du talent, le superflu, c’est-à-dire des idées, mais sans le nécessaire dans la bourse, sans superflu dans la conscience, et prêt à employer son talent à sacrifier ses idées pour satisfaire son ambition. Sa jeunesse et sa pauvreté l’avaient fait républicain, mais son esprit net et son imagination impatiente ne se résignaient pas à la bruyante stérilité des républiques parlementaires. Il aspirait à une démocratie féconde en réformes hardies et populaires, et, pour les accomplir, à un pouvoir net dans ses vues, libre dans son action, et sûr de sa durée. Ses doctrines et ses ambitions s’étaient unies pour l’attirer à l’empereur, fort, novateur et généreux pour qui venait à lui. Le journaliste avait, en 1869, pris prétexte des concessions parlementaires, dont il ne se souciait pas, pour se rallier, et avait effacé la violence de ses anciennes attaques par l’impétuosité de son retour. Elle lui avait aussitôt valu une élection législative dans un département où son nom était inconnu, mais celui de Napoléon tout-puissant : seule la faveur du maître qui l’avait mis à cette place pouvait y maintenir le moins indépendant des députés, et jusque sur son banc il n’appartenait pas à la Chambre, mais à l’empereur. Le baron Jérôme David, qui prenait les travaux publics, était lié à la famille impériale par le lien plus noble, mais plus étroit encore, d’une fidélité domestique. Ce lien, plus fort que la politique, était toute la politique du nouveau ministre. Il se faisait de l’empire et du droit impérial une religion si jalouse que toute part d’autorité prise par la nation lui semblait volée à la dynastie : assez intrépide dans sa foi pour être pour l’empire contre l’empereur même, il avait hautement combattu les tentatives libérales et, avec son parler bref, son ton décidé et son élégance militaire, il semblait le chevalier de la dictature. C’est à lui que le portefeuille de l’intérieur avait été