Au temps où les travaux d’Hittorff achevaient de démontrer l’usage constant de la polychromie dans l’architecture grecque, un archéologue, adversaire résolu de la théorie nouvelle, parcourait la Grèce, très décidé à ne rien voir qui pût contrarier ses idées. Un de ses élèves, monté sur une échelle, explorait la corniche d’un temple, et le dialogue suivant s’engageait entre eux : « Trouvez-vous des traces de couleur? — Oui. — Descendez bien vite. » A moins d’employer la même méthode, il est bien difficile de douter aujourd’hui que les Grecs aient peint leurs statues. C’est là une question de fait, et les argumens de pure esthétique ou de sentiment ne sauraient prévaloir contre des témoignages multipliés. Non seulement les fouilles faites en Grèce, celles d’Olympie, d’Athènes et de Delphes nous ont livré d’imposantes séries de sculptures, vierges de toute restauration indiscrète et gardant encore, au sortir du sol, les traces parfois éclatantes de leur décoration peinte; mais les inventaires des grands musées d’Europe enregistrent périodiquement, parmi leurs acquisitions nouvelles, des marbres grecs où un œil exercé découvre bien vite des vestiges certains de polychromie. Et qui pourrait dire tout le mal qu’a fait, à ce point de vue, la funeste manie de restauration et de nettoyage à outrance dont nous sommes heureusement délivrés? Le principe même de la polychromie n’est plus contesté. L’histoire des anciennes controverses n’offrirait plus guère qu’un seul genre d’intérêt : ce serait de montrer la ruine graduelle d’un préjugé né au temps de la Renaissance, défendu au nom d’une esthétique toute moderne, et cédant peu à
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LA POLYCHROMIE
DANS LA SCULPTURE GRECQUE