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avait convoqué les Chambres pour le 9 août. Dès la veille, nombre de députés se rencontrèrent au Palais-Bourbon : ils y cherchaient des nouvelles et y apportaient les impressions de leurs départemens. Celles-ci se trouvèrent si unanimes et les conjonctures semblaient si urgentes qu’une centaine de députés, appartenant au centre gauche, au centre droit et à la droite, tinrent séance dans un bureau, et s’accordèrent sans débat sur trois mesures : le renvoi du cabinet Ollivier, la nomination de Trochu au ministère de la guerre, et de Montauban au gouvernement de Paris. Six délégués reçurent aussitôt mission de porter ces vœux à l’impératrice et le soir même furent reçus par elle. Au renversement du ministère, elle objecta que ce serait du temps perdu pour la défense, qu’en tout cas il appartenait au Parlement de prendre l’initiative par un vote. Elle reconnut que le portefeuille de la guerre devait passer en d’autres mains, ajouta qu’il avait été offert au général Trochu, mais que celui-ci avait revendiqué le droit de dévoiler, dans son premier discours de ministre, nos fautes politiques et militaires, qu’en un pareil moment une critique de l’armée par le chef de l’armée serait un danger de plus, et, malgré l’instance de plusieurs délégués, elle se refusa à rouvrir la négociation avec le général. D’ailleurs elle se déclarait prête à satisfaire, par une simple interversion des personnes, les désirs qui lui étaient exprimés : Montauban déjà mandé recevrait le ministère de la guerre, et Trochu le gouvernement de Paris.

Dès le lendemain, une partie de ces projets était réalisée. A la séance du 9 août, le ministère Ollivier n’eut pour lui que neuf voix. Les députés, qui avaient voté la guerre sans s’être assurés si nous étions en état de la faire, fléchissaient sous le poids de leur responsabilité : ils l’allégèrent en renversant le ministère sous l’accusation de les avoir trompés. M. Ollivier comprit que sa perte était utile à trop de gens, et tomba sans disputer sa vie.

Avec lui succombait son œuvre, l’empire libéral. Le ministère du 2 janvier, qui disparaissait ainsi, avait, huit mois auparavant, introduit dans les institutions impériales la nouveauté d’un cabinet parlementaire. Sans doute cette réforme avait été incomplète. Pour établir le gouvernement du pays par le pays, il eût fallu dissoudre le Corps législatif, qui avait été formé par la candidature officielle et choisi pour obéir à l’empereur : des élections libres, en donnant à la France une représentation indépendante, pouvaient seules donner au nouveau régime sa vérité et sa garantie. Après les avoir réclamées sans les obtenir, et réduit à l’option redoutable ou de renoncer aux réformes consenties s’il ne s’en contentait pas, ou de hasarder l’expérience d’institutions