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nier le droit impérial : ils demandaient une rédaction plus adoucie, prêts à accorder la chose pourvu qu’on leur épargnât le mot. M. Thiers proposa de remplacer « vu la vacance du pouvoir, » par « Vu les circonstances » et ainsi calma les scrupules des centres. Il consulta sur la variante les dispositions de la gauche, qui se trouvait réunie dans un bureau. Celle-ci répondit qu’après avoir satisfait à ses principes en votant la proposition de déchéance, elle se rallierait, sans regarder aux termes, à la proposition de M. Thiers.

Bientôt la majorité parut acquise. Les serviteurs clairvoyans de la dynastie ne se dissimulaient pas que tomber sous les coups de M. Thiers était pour elle le pire destin. Ils tentèrent donc un dernier effort auprès de Montauban, pour que, la défaite n’étant plus douteuse, il la prévint en remettant à la Chambre tous les pouvoirs. Enfin convaincu, Montauban abandonna la régence. Mais s’il s’était montré tenace dans sa volonté de secourir Bazaine, il ne l’était pas moins dans sa volonté de conquérir ce rang insolite que lui avait montré la fortune dans l’infortune de la France. Il changea le conseil de régence en « conseil de défense et de gouvernement » et maintint sa lieutenance générale. Il ne réfléchit même pas que si, en face du droit parlementaire, une place et des garanties exceptionnelles avaient pu être réservées au représentant de la souveraine, au gardien du droit impérial, cette fonction perdait toute raison d’être au moment où disparaissait la régence.

Il était une heure vingt minutes, la foule grossissait, M. Schneider ouvrit la séance.

Elle débuta par une attaque violente de l’opposition. Le matin du 4, le général Trochu n’avait pas manqué de dénoncer dans ses entretiens les procédés employés contre lui par la régence et l’interdit où il se trouvait placé. Ses plaintes étaient la justification de son inertie. L’usurpation de Montauban sur les attributs du gouverneur, les dispositions militaires prises par le ministre, l’ordre de contenir rigoureusement la foule, qu’il avait donné dans les couloirs, que plusieurs députés avaient entendu et qu’ils jugeaient une provocation, portaient une partie de la gauche à croire que les troupes menaçaient la liberté du Parlement et qu’il fallait d’abord se défendre contre ce danger.

C’est pourquoi M. de Kératry, se plaignant que la Chambre fût entourée non par la garde nationale, mais par des gardes de Paris et des sergens de ville, accusa le ministre d’avoir donné des ordres contraires à ceux du général Trochu et « forfait à ses devoirs. »

La majorité de la Chambre avait, en tout temps, plus peur