il s’était résolu à satisfaire la Chambre ; et, renonçant à maintenir à la fois la régence et le cabinet, il sacrifiait celui-ci pour sauver l’autorité de l’impératrice et du premier ministre. Il allait présenter le projet de loi que voici :
Art. 1er. Un Conseil de régence est constitué. Ce Conseil est composé de cinq membres. Chaque membre de ce Conseil est nommé à la majorité absolue par le Corps législatif. — Art. 2. Les ministres sont nommés sous le contre-seing des membres de ce Conseil. — Art. 3. Le général comte de Palikao est nommé lieutenant général de la régence.
Les gouvernemens qui sombrent commettent toujours la même erreur : ils restent en retard d’une idée sur l’opinion à laquelle ils croient céder. Quand ils acceptent ses exigences de la veille, ils ne se rendent pas compte que leur immobilité même a précipité sa marche ; ils ne donnent que ce qu’ils avaient refusé, et leur offre vaine est déjà couverte par de plus fortes, aux rapides enchères des révolutions.
Parce qu’un partage du pouvoir avec la régence était, à la veille de Sedan, tout le vœu de la Chambre, la régence croyait satisfaire la Chambre en acceptant ce partage au lendemain de Sedan. Or il ne s’agissait plus pour le Corps législatif de s’associer à elle, mais de la remplacer. Le partage qu’elle offrait d’ailleurs au Parlement n’était pas net, et rarement combinaison fut plus incohérente. En apparence, la Chambre obtenait, par la nomination des ministres, la primauté. Mais un homme demeurait indépendant d’elle, ne tenait pas d’elle son titre, elle ne pouvait le révoquer. C’était donc un conflit qui se cachait dans cette constitution, et Montauban, chef du pouvoir exécutif, avait toutes les chances de vaincre ou de lasser le Conseil. En réalité, c’était un amoindrissement de la prérogative parlementaire qui était proposé à la Chambre. L’essence du régime parlementaire est que tous les détenteurs du pouvoir exécutif soient, le souverain excepté, révocables au gré du pouvoir législatif : or la mesure imaginée consolidait le chef du cabinet dissous, le principal agent de nos désastres, l’homme de la régence, le plaçait au-dessus des ministres et créait pour lui un pouvoir irrévocable dans sa durée et indéfini dans ses attributions, c’est-à-dire une dictature.
L’insuffisance de ces mesures, le péril de ces conflits, et jusqu’au ridicule du titre archaïque dont était affublé le principal personnage de la combinaison nouvelle, tout frappa aussitôt les députés. Le désappointement fut soudain, universel, irrité. Montauban en reçut le choc lorsqu’il parut dans les couloirs, où il s’était rendu pour préparer les esprits. Les hommes les plus dévoués à l’empire, s’adressant au général d’un ton qu’il ne connaissait pas et qu’ils prenaient trop tard, parlèrent