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d’autres enfin se dirigeaient, tambours battans et baïonnette au canon vers le rendez-vous commun.

Le Palais-Bourbon, vers lequel affluait de toutes parts la foule, se défend de lui-même sur trois côtés. Au Sud, sa vaste cour d’honneur est fermée par un haut portail que deux galeries symétriques, closes de barreaux à l’épreuve, relient à deux pavillons massifs et élevés de trois étages. L’un de ces pavillons forme l’angle de la place et de la rue de Bourgogne, et sur cette rue se continue jusqu’au quai par une longue et haute construction que perce une seule porte de service : ainsi est protégée la face Est. L’autre pavillon se soude, rue de l’Université, aux annexes de la Présidence, et celles-ci au ministère des Affaires étrangères ; et ainsi se prolonge au Sud, jusqu’à l’esplanade des Invalides, une muraille continue, trouée de rares portes, qu’il suffît de fermer pour rendre ce côté inaccessible. A l’Ouest, la façade des Affaires étrangères qui donne sur l’Esplanade, couvre au loin la Chambre contre l’approche de la foule.

Au Nord est la faiblesse de la position. Les jardins et les cours, qui de ce côté s’étendent au-devant des trois palais et donnent accès de l’un à l’autre, sont séparés du quai d’Orsay par des grilles dormantes dans lesquelles des grilles mobiles font l’office de portes : de l’Esplanade à la rue de Bourgogne l’escalade est partout facile. Derrière la grille du Palais-Bourbon s’élève l’escalier de larges gradins qui donne accès, en face du pont de la Concorde, au péristyle du palais et sert de base à la colonnade. Du péristyle cinq grandes portes-fenêtres ouvrent passage dans des salles et des couloirs qui communiquent avec les tribunes. A l’angle droit du grand escalier, une petite cour s’étend de plain-pied avec le quai, jusqu’à une porte dite de la Rotonde, entrée habituelle des députés et du public. A l’angle gauche du grand escalier, une petite terrasse, bordée jusqu’à la rue de Bourgogne par un bas mur, conduit aux portes-fenêtres de la buvette. Là les chemins s’ouvraient nombreux à l’invasion. Aussi le meilleur moyen de protéger le Corps législatif avait-il toujours paru d’interdire de ce côté ses abords. En barrant le quai, de l’Esplanade à la rue de Bourgogne, et le pont de la Concorde du côté de la place, on gardait tout, sans avoir besoin de défendre que trois passages étroits, et l’on maintenait libres, sur le quai et le pont, d’assez vastes espaces pour que, s’il le fallait, des troupes pussent se masser et la cavalerie prendre l’élan de ses charges.

Le 4 septembre, la sûreté de la Chambre était confiée à deux bataillons de garde nationale, quinze cents hommes ; deux bataillons de ligne, quatorze cents ; deux bataillons et trois escadrons de gendarmerie, quinze cents ; un bataillon et un escadron