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donner du respect quand on lui demandait du secours. Une dernière tentative fut faite par l’ambassadeur d’Autriche, prince de Metternich. Les mœurs des Tuileries expliquaient cette intervention d’un diplomate dans les secrets douloureux de notre politique intérieure : parfois les étrangers semblaient plus de la maison que les Français. L’impératrice savait M. Thiers fort soucieux de se concilier les sympathies de l’Europe ; sollicité par le représentant d’une grande puissance, il aurait plus d’intérêt à ménager l’empire. Mais le diplomate n’obtint rien de plus que les premiers négociateurs.

Il n’y avait pas d’illusions à se faire. M. Thiers refusait et son concours et ses avis. Il ne voulait pas dire comme avait dit Mirabeau : « Madame, la monarchie est sauvée. » Ni l’âge, ni l’intérêt, ni la nature de l’homme ne le disposaient à attendrir de sensibilité la politique, et à improviser, comme l’immortel aventurier, un roman de fidélité tardive. Et il manquait à l’impératrice, pour inspirer cette foi, la majesté indépendante de la personne, qui sacrant la reine de France, imposait le respect aux colères et aux griefs mêmes du tribun. Son infortune était le malheur d’une famille, l’abaissement d’un grand nom, elle n’était pas le péril d’une race liée si anciennement à la France que leurs racines et leur durée parussent indivisibles. L’empire n’était qu’une branche de laurier entée sur le vieux tronc ; la branche, au lieu de reverdir, avait séché ; et les feuilles sèches qui tombent d’un arbre n’en emportent pas la vie.