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LE RÈGNE DE L'ARGENT

IV[1]
LES GRANDES COMPAGNIES
L’ÉTAT ET LE COLLECTIVISME

Que le mouvement de concentration des forces économiques et des capitaux est loin d’aboutir, partout et toujours, à l’accumulation des richesses aux mains de quelques individus ou de quelques familles, nous croyons l’avoir amplement démontré. Les agens de cette concentration sont, le plus souvent, des sociétés, des compagnies, c’est-à-dire des collectivités. Les sociétés par actions sont, à tout prendre, le trait dominant de l’organisation économique du monde moderne. Industrie, finance, commerce, agriculture même, entreprises coloniales, elles s’étendent à tout, s’emparant peu à peu des domaines qui semblaient leur devoir rester fermés, projetant au loin, dans toutes les directions, leurs bras multiples et leurs longs tentacules. Elles sont, déjà, chez presque tous les peuples, l’instrument habituel de la production mécanique et de l’exploitation des forces de la nature. Le présent leur appartient, et, si les signes des temps ne nous trompent, l’avenir est à elles. La société anonyme (limited) semble appelée à devenir la reine du globe ; c’est elle la véritable héritière des aristocraties déchues et des féodalités anciennes. A elle l’empire du monde, car l’heure vient où le monde va être mis en actions.

  1. Voyez la Revue des 15 mars, 15 avril, 15 juin 1894.