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REVUE DRAMATIQUE

ODÉON : Pour la Couronne, drame en cinq actes en vers, par M. François Coppée.

Ce ne serait pas assez de parler de succès à propos de Pour la Couronne : c’est un triomphe. Il nous est infiniment agréable d’avoir à le constater. L’accueil enthousiaste fait à son drame peut consoler M. Coppée d’une attente de huit années et d’avoir vu les portes de la Comédie-Française se fermer devant son œuvre, comme aussi bien devant toutes les œuvres les plus distinguées qui aient paru dans ces derniers temps. Ce succès, comme il arrive, a réconcilié toutes les fractions du public. Celui du premier soir, ce public sceptique et tant décrié des premières, a voulu saluer le poète en personne et contempler ses traits glorieux. Les autres représentations ont tourné en ovations. Ç’a été du délire. On signale des voies de fait: un spectateur, pour avoir applaudi mollement, a été giflé. Voilà qui est bien. Les lettrés se réjouissent; et les autres, ceux qui, amis du vaudeville et de la gaudriole, considèrent le théâtre comme un divertissement et le préfèrent déshonnête, ceux-là pareillement s’en iront goûter des joies saines et qui élèvent l’esprit. Cela est bon signe ; n’ayons garde d’en douter. C’est la preuve qu’on s’alarme à tort quand on se plaint d’un abaissement du goût et qu’on se hâte trop quand on gémit sur la mort du grand art. Les beaux vers et les nobles sentimens n’ont pas cessé d’éveiller leur écho dans nos âmes. En outre, cette pièce est tout à fait dans la tradition de notre théâtre. Aussi se mêle-t-il à la joie avec laquelle on l’acclame une sorte de contentement patriotique. Il semble que ce soit la revanche attendue des Latins contre les gens du Nord. Nos vieux auteurs se sont réveillés, et leurs ombres gagnent encore des batailles. Comme le dit M. Coppée, c’est la preuve qu’il ne faut pas considérer « Corneille et Hugo comme des galfâtres. »