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nord une influence considérable : et quelques mois lui suffirent pour raviver un peu partout une religion qu’on pouvait croire à jamais étouffée. « Quand je revins en Hollande, écrit-il, durant la semaine sainte, je trouvai le peuple sans guide et sans direction. Les curés n’osaient plus pratiquer leur culte. Les prêtres des villes et les moines faisaient trafic de tout, accordant toutes les dispenses, autorisant tous les abus. Dès que je parus, tout cessa. Dès les premiers actes, tout le monde reconnut mon autorité. Et je vis renaître en peu de temps la discipline et les bonnes mœurs. De jour en jour grandit le nombre des conversions. Bientôt même les prêtres manquèrent; je dus obtenir du vicaire apostolique la permission pour des laïcs de prêcher, et de présider les assemblées religieuses. »

Et durant vingt ans, à travers d’innombrables persécutions, dont M. Fruin ne nous épargne pas le détail, Vosmeer poursuivit l’œuvre véritablement héroïque qu’il avait ainsi entreprise. De Cologne, où il dut se réfugier, et où se rassemblèrent autour de lui tous les prêtres hollandais bannis à sa suite, il dirigea contre le protestantisme tout-puissant une lutte acharnée, formant sans cesse de nouvelles troupes de jeunes prédicateurs, les envoyant chacun au lieu où il avait le plus de chances de faire œuvre utile. Il eut souvent fort à faire, et M. Fruin a consacré de nombreuses pages au récit de ses démêlés avec les jésuites de Hollande, puis avec des sœurs qui refusaient de se soumettre à ses ordres. Mais dès les premières années du XVIIe siècle, et vraiment grâce à lui, il y eut en Hollande un grand parti catholique, parti qui, depuis lors, ne cessa point de gagner en force et en influence. Aujourd’hui, comme l’on sait, il s’en faut de peu que les catholiques ne possèdent en Hollande la même importance politique qu’ils ont acquise en Allemagne[1]. Dans les débats du Parlement hollandais, c’est leur vote qui décide de la majorité. Ainsi l’effort de Vosmeer a porté ses fruits.


Dans une autre livraison du Gids, M. N. D. Doedes raconte les débuts de la colonie hollandaise du Cap, d’après le Journal du célèbre Jan van Riebeck, qui fonda cette colonie et en fut le premier directeur, de 1652 à 1662. C’est un récit d’un grand intérêt historique, et qui mériterait d’être traduit tout entier. Je vais essayer du moins d’en citer quelques passages.


Un siècle et demi s’était écoulé depuis que les Portugais avaient découvert la pointe méridionale de l’Afrique ; après eux, après Barthélémy

  1. Voyez, dans la Revue du 15 mars 1894, l’étude de M. Charles Benoist sur les Partis politiques aux Pays-Bas.