Au centre de la barque se dresse une chapelle dont les chapiteaux, à colonnes de lotus, supportent en guise de coupole un globe brillant, reflet du soleil d’Osiris. Dans ce temple resplendissent les sept grandes divinités. Car, dans le monde céleste, toutes les idées apparaissent comme des personnes, et chaque esprit les perçoit selon sa force. À cette vue, l’âme exulte et s’écrie : « Je sens passer en moi le souffle des Dieux. Je suis Osiris, Isis, Râ et Nephtys. » Les nautoniers répondent : « Monte dans la barque aux millions d’années pour accomplir ton cycle divin. » Reçu dans la barque, l’homme devenu un Osiris s’écrie : « Je suis hier et je connais demain. Je suis maître de renaître une seconde fois. Je traverse le ciel en y faisant la lumière. Je m’envole pour illuminer les mânes. J’ouvre et je ferme. Cela m’est accordé par le bon Seigneur. »
D’un mouvement ascendant, dans un calme vertigineux, la barque d’Isis monte à travers les flottes stellaires. Dans cette barque merveilleuse qui peut aller partout, au gré du désir, qui porte l’Arche et l’Archétype de l’Être, l’esprit se trouve comme au centre de l’espace et du temps. Il embrasse le drame de l’univers. Il voit les âmes monter et descendre, se libérer et se réincarner ; les générations, les mondes sortir du chaos et rentrer dans le sein d’Isis qui les rend à son époux. Mais toutes ces choses tragiques et terribles, au lieu de former comme sur la terre un assemblage de bruits discordans et douloureux, s’épandent et roulent maintenant en larges nombres et retentissent au cœur de l’âme comme une symphonie divine. La terre d’Annsou, où aborde la barque d’Isis, est une planète spirituelle sans atmosphère élémentaire, éclairée par le soleil de Vérité, animée par son Verbe, où les élus se créent un monde à leur image, selon la loi d’affinité, d’amour et d’harmonie. C’est l’antichtonè de Pythagore, la seconde terre de Platon, l’Héliopolis céleste.
Tel ce voyage de l’âme que les fresques d’Abydos déroulent de leurs barques lumineuses comme sur des strophes cadencées. Quand on songe que ces peintures datent d’avant Moïse et que le Livre des morts remonte plus haut encore, on est saisi de respect devant l’antiquité des plus augustes symboles de l’esprit humain. Mais le jour avait baissé dans la chapelle de Horus où je m’étais attardé. Creusée dans le roc et privée de sa voûte, elle s’ouvre en haut, au ras du sol. Déjà le reflet du couchant baignait d’une teinte rose ses parois de stuc d’une blancheur de neige. Et, peu à peu, les images sacrées rentraient dans la nuit. Le temple rede-