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concurrence acharnée sur tous les marchés d’Europe. » Voilà un langage peu fait pour préparer le succès des négociations.

Le ministre du commerce, M. Lourties, a été aussi loin que possible dans la voie de la conciliation lorsque, promettant son appui aux efforts de l’association, il a défini, comme suit, la tâche qu’il se croyait assignée : « On a eu grand tort de pécher par orgueil et de ne pas tenir, en 1892, à entrer dans la voie de la discussion… Je suis d’avis de rentrer en conversation avec les Suisses, afin de savoir si, réellement, ils sont disposés à faire les concessions réciproques nécessaires pour aboutir à une entente… Il ne faut pas nous mettre dans le cas de subir un refus. Nous devons préalablement parer à cette éventualité, et, avant d’engager des négociations, être sûrs qu’elles aboutiront. »


X

Un des plus gros événemens économiques des derniers mois été l’entrée en vigueur (fin août 1894) du nouveau tarif américain. La discussion, au Congrès, en avait duré plus d’un semestre, et la conviction s’était répandue dans tout le pays et propagée de là en Europe, que la solution de cette grave question douanière courrait seule mettre fin à la crise économique dont souffrait l’Amérique du Nord depuis le début de 1893.

Il y a deux années, la situation aux États-Unis était très prospère. L’année fiscale 1892 se terminait dans les plus brillantes conditions à la fois pour le volume de la production industrielle, pour l’amplitude des transactions domestiques, et pour celle du commerce extérieur. Les importations s’étaient accrues, durant cet exercice, de 18 pour 100, les exportations de 15 pour 100. Les recettes des chemins de fer étaient plus considérables qu’elles n’avaient jamais été auparavant, les faillites moins nombreuses l’en aucune année précédente. Bien que les prix fussent très )as, le nombre des usines ne cessait de s’accroître.

Tel était l’état des choses, dans le second semestre de 1892. Mais déjà la loi Sherman, sur les achats d’argent, commençait à produire ses funestes effets, menaçant de désorganiser le système monétaire. On voyait poindre les premiers symptômes de la crise la plus redoutable qui ait, en aucun temps, assailli la prospérité matérielle et la vie économique aux États-Unis. Tout a été frappé de langueur à la fois, chez ce peuple où l’énorme étendue du territoire, la variété infinie des ressources, le génie de la race, l’esprit d’aventures, ont concouru à développer à un si haut degré la tendance à la spéculation. L’industrie anémiée fermait ses usines, ses ateliers, ses hauts fourneaux ; les prix de toutes les denrées