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vertu de la rendre à la prospérité. Même il nous semblait, et il nous semble encore, qu’elle aurait pu se passer de l’aide pesante et coûteuse des tarifs, mais nous ne pouvons que nous joindre à ceux de ses amis qui dénoncent la législation fiscale actuelle sur les boissons comme l’obstacle principal à faire disparaître, si l’on veut que producteurs et consommateurs puissent se rencontrer plus aisément qu’ils n’ont fait jusqu’ici. Le régime actuel des boissons — avec son cortège de taxes, droits de détail, droits d’octrois — met les boissons hygiéniques hors de la portée du consommateur pauvre et le condamne aux mélanges alcoolisés.

Le gouvernement a présenté un projet qui diminue le droit de circulation, supprime les droits de détail, et prépare la suppression des octrois. C’est un pas dans la bonne voie. Il reste à espérer que la suppression des octrois sera obligatoire et immédiate et non pas facultative et à longue échéance. Ce n’est pas seulement pour la viticulture que la suppression des octrois serait m immense bienfait, c’est aussi pour toute la classe ouvrière.

Mais la même législation fiscale intérieure, qui actuellement cause une si grande gêne à la viticulture, inflige des charges tout aussi accablantes à tous les cultivateurs.il suffit de rappeler la liste des impôts qui frappent la terre, impôts directs et indirects, droits de mutation, de timbre, d’enregistrement, prestations, contribution personnelle et mobilière, centimes additionnels généraux, départementaux et communaux. Il sera impossible, il est vrai, de donner satisfaction aux cultivateurs qui réclament la suppression du principal de l’impôt foncier. Sans aller jusqu’à tous associer à la théorie si singulière soutenue à Clion par Viger, que la seule justification, la seule raison d’être de la propriété est l’impôt qu’elle paie, nous ne pensons pas que l’impôt foncier direct soit une charge insupportable pour les agriculteurs. Il en est tout autrement des droits de mutation entre vifs, qui sont accablans, et dont une large réduction devrait être votée par le Parlement. En même temps devraient disparaître les autres droits secondaires qui enserrent la propriété foncière et sont la cause principale qu’elle est depuis si longtemps délaissée pour la rente d’État. De belles promesses ont été faites en ce sens aux agriculteurs, par M. Poincaré en Lorraine, par M. Viger dans la Côte-d’Or, par d’autres voix autorisées en diverses régions de la France. Il faut espérer que ces dégrèvemens seront décidés par la législature actuelle dans sa prochaine session. Déjà, dans celle qui vient de s’achever, le Parlement a fait don à l’agriculture d’une loi sur l’organisation du crédit agricole. A elle maintenant d’en tirer parti.