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denrées nationales s’accroîtrait au grand profit des qualités de vigueur et d’endurance de la race, et nous pourrions économiser en outre le milliard que nous dépensons chaque année pour l’acquisition au dehors de denrées alimentaires.

En attendant que nos champs atteignent cette intensité de production qui, dans un avenir peu éloigné, pourrait refaire de l’agriculture en France une industrie très prospère, il est manifeste que, en présence même des rendemens actuels, du rang élevé qu’occupe notre pays dans la comparaison des résultats exceptionnellement favorables de 1894 par tout le monde, il y a quelque puérilité à prétendre que l’agriculture française soit en décadence. Elle a à lutter contre les difficultés qui obligent à notre époque toute industrie qui ne veut pas périr à redoubler d’efforts et d’énergie, mais elle n’a pas à redouter le sort de l’agriculture britannique, et l’épreuve passagère qu’elle subit n’aura tôt ou tard servi qu’à retremper sa vitalité.


IV

La viticulture, il y a un an, poussait de plus lamentables cris encore que l’agriculture; la situation est aujourd’hui renversée. Le vin se vend mieux qu’il y a quelques mois, et à des prix qui, sans être élevés, sont cependant encore quelque peu rémunérateurs. Les tarifs ont rendu service aux propriétaires de vignobles, il faut le croire du moins, puisque M. Méline a été acclamé, le 16 octobre dernier, à Montpellier, comme le grand défenseur des populations du Midi. Comment n’aurait-il pas été bien accueilli, sa harangue ayant eu pour objet d’exposer quelles réformes devaient faire, en matière fiscale, les pouvoirs publics, pour compléter l’œuvre des tarifs? Ceux-ci ont produit tout ce que l’on attendait d’eux. Ils ont assuré le marché français aux vins français, en écartant les vins italiens et espagnols, malgré la prime que constituait, en faveur de ces derniers, la dépréciation de la monnaie, traduite quotidiennement dans les cours du change. On se plaignait de ce que l’élévation du change en Italie et en Espagne annulât en fait une partie des droits perçus à l’entrée sur les vins. Le change a très notablement baissé dans les deux pays depuis deux mois, et l’argument, à la fois protectionniste et bimétalliste, tiré de l’apparition de ce facteur nouveau, le change, dans les complexités de la crise générale économique, va perdre de sa force. Lorsque nous avons traité ici même, en mai dernier, de la mévente des vins, nous estimions que la viticulture souffrait de trop de causes diverses pour que les tarifs pussent avoir, seuls, la