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TERRE D'ESPAGNE

I.
SAINT-SÉBASTIEN. — LOYOLA. — BILBAO.


I. — L’ENTRÉE


Saint-Sébastien, 12 septembre 1894.

M’y voici, en terre d’Espagne. Ne vous étonnez pas, mon ami, si je ne débute par aucune considération générale. Je ne connais rien du pays, — si ce n’est la petite Fontarabie, qui dort dans son armure ancienne, — ni rien des gens. Je n’ai, de plus, fait aucun plan, aucun projet, sauf de bien voir. Et je vous dirai, au jour le jour, ce que j’aurai visité le matin, entendu l’après-midi, rêvé le soir en prenant mes notes. S’il s’en dégage quelque jugement, ce sont les choses mêmes qui parleront ; car, parmi mes bagages, je n’emporte aucun préjugé, aucun souvenir bon ou fâcheux, pas même une part d’action de vingt pesetas, qui m’engage, pour ou contre, dans les affaires d’Espagne.

J’entre par Irun. Le paysage est classique et n’en est pas moins beau. En filant à toute vitesse sur le pont mi-parti français, mi-parti espagnol, j’envie un peu, — oh ! une minute et sans qu’un regret s’ensuive, — les riverains de cette Bidassoa, large, ensablée, toute blonde de lumière, dans sa triple ceinture de montagnes, dont la première est verte. J’aperçois, à droite, la petite canonnière que commandait Loti, l’an dernier ; à gauche l’île des Faisans, un pauvre banc de vase où poussent une trentaine d’arbres ; en face les fortins construits sur les mamelons, au temps de la guerre carliste. Je pense encore à la belle contrebande qui se fait par là,