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M. Bernaert n’a exposé son projet aux Chambres et ne l’a défendu devant elles qu’après s’être mis formellement d’accord avec le gouvernement de la République : son successeur, certainement, s’inspirera de cet exemple.

La crise ministérielle provoquée à Pest par la démission de M. Weckerlé vient heureusement de se terminer. François-Joseph avait pris une grande responsabilité en renvoyant un ministère qui avait la confiance de la Chambre et très probablement celle du pays. On aurait compris qu’il refusât de ratifier les lois de laïcisation ; mais, après les avoir ratifiées, il y avait quelque contradiction à congédier proprio motu le ministère qui les avait faites, au moment même où sa popularité était à son apogée. Évidemment, l’empereur et roi s’est proposé d’opérer une liquidation : il a accepté ce qui était fait, il a voulu empêcher à des ministres qui n’avaient plus sa confiance de l’aire davantage dans un sens qui lui déplaisait. Toutefois l’entreprise n’était pas sans dangers. François-Joseph a caressé d’abord le rêve d’un ministère de conciliation entre les partis, où prédominerait doucement son influence personnelle, et il a compté pour le constituer sur le dévouement du ban de Croatie, le comte Khuen-Hedervary ; mais celui-ci a échoué dès le premier jour dans ses démarches, et le roi a dû finalement s’adressera M. Banffy, président de la Chambre des députés. M. Banffy a réussi dans la tâche qui lui était confiée : il est probable que M. Weckerlé, dont il est l’ami politique, l’a aidé à la remplir. Le 1er janvier, M. Banffy recevait les députés libéraux, et il se félicitait avec eux des progrès accomplis pendant sa présidence ; c’était faire l’éloge des lois de laïcisation ; les députés l’ont si bien compris qu’en sortant de chez leur président ils se sont empressés d’aller faire une visite, c’est-à-dire une manifestation chez M. Weckerlé, le ministre déchu. Il faut donc voir dans la constitution du ministère Banffy le maintien au pouvoir, mais aussi l’affaiblissement du parti libéral. Le roi, de son côté, a réussi à se débarrasser des ministres qui avaient encouru sa disgrâce, mais non pas à mettre à leur place ceux qu’il aurait préférés. Autant qu’il est possible de juger les choses à distance, le ministère Banffy est un ministère de transaction, et peut-être de simple transition.

Francis Charmes.
Le Directeur-gérant,
F. Brunetière.