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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 janvier.


Le Parlement est rentré en session le second mardi de janvier comme la Constitution le prescrit. Les deux Chambres avaient tout d’abord à procéder à la reconstitution de leurs bureaux, ce qui n’était qu’une formalité au Luxembourg, mais ce qui, au Palais-Bourbon, n’allait pas sans difficultés. On se rappelle qu’à la fin de la session dernière, après la mort du regretté M. Burdeau, M. Brisson avait été élu président. Il s’agissait de savoir s’il serait maintenu au fauteuil présidentiel ou s’il y serait remplacé. Toutes les vraisemblances étaient pour la première hypothèse. La situation n’était plus entière : M. Brisson était en possession d’état, et beaucoup de députés, après une première lutte infructueuse, se demandaient si le plus simple n’était pas de le laisser bénéficier de l’axiome : Beati possidentes. On a beaucoup reproché aux modérés d’avoir abandonné sans résistance le champ de bataille à leurs adversaires. Ce reproche est-il fondé ? Un parti ne doit jamais déserter le combat, soit ! et nous serions les premiers à accuser les modérés de défaillance s’ils n’avaient opposé aucun concurrent à M. Brisson. On oublie trop qu’ils lui ont opposé M. Méline, il n’y a guère plus de trois semaines, et que M. Méline s’est trouvé en minorité. Les plus ardens demandaient, le 8 janvier, un nom, un nom quelconque sur lequel ils pourraient se compter. Ils s’étaient comptés déjà sur le nom de M. Méline, qui n’est pas un nom quelconque. Fallait-il recommencer ? Tout porte à croire que la seconde expérience n’aurait pas été plus heureuse que la première ; peut-être même l’aurait-elle été moins.

Est-ce à dire que la majorité de la Chambre ait changé de place, et qu’elle soit passée des modérés aux radicaux ? Si on avait pu le craindre, le vote qui a eu lieu jeudi sur la question Gérault-Richard aurait prouvé qu’il n’en est rien. La vérité est que le parti modéré, après l’échec de M. Méline, n’avait plus de candidat à opposer à M. Brisson. C’est encore là une de ces situations dont on s’étonne, dont on s’indigne même volontiers au dehors. Comment se fait-il qu’un parti manque d’hommes au moment où il en a le plus grand besoin ? On s’en émeut, on s’en inquiète ; mais ceux qui sont au courant de l’histoire parlementaire dans tous les pays, savent fort