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Si l’on rapproche ces résultats des déclarations de principes qui avaient marqué l’accession au pouvoir de Hardenberg, le contraste est des plus frappans.

La commission chargée par le chancelier d’élaborer, sous la direction de Frédéric de Raumer, un programme financier n’avait pas craint d’embrasser dans son rapport les sujets les plus étrangers à sa mission, depuis la suppression du droit de police seigneuriale jusqu’à l’institution d’une représentation nationale.

L’édit du 27 octobre 1810 avait eu le même caractère ; ce n’était pas seulement par le vague de ses termes qu’il ressemblait à un manifeste plus qu’à un acte législatif ; c’était aussi par l’étendue des sujets qu’il embrassait et par la portée des principes qu’il posait. Il ne se bornait pas à promettre l’égalité en matière d’impôt foncier, la suppression du privilège de la noblesse, la liberté du commerce, qui se rattachait du moins à l’institution du nouvel impôt des patentes ; il était lui aussi, dans certaines de ses parties, un programme de réformes sociales étrangères à toute préoccupation fiscale.

Quel écart entre ces promesses et les actes qui suivirent !

Quelques lois d’impôt bien conçues apportant dans la confusion du régime fiscal de la Prusse la clarté et l’ordre d’une centralisation rajeunie en même temps que la liberté du commerce ; mais ensuite : l’impôt foncier demeuré intact avec toutes ses iniquités, malgré les promesses les plus formelles, — une législation de contributions indirectes à ce point rigoureuse qu’elle contraignait sur quelques points les populations rurales à renoncer à se nourrir de pain, — un impôt pesant de capitation, — et, du moins, en regard de ces excès de fiscalité, des résultats financiers considérables, les ressources de la Prusse accrues de 70 pour 100 dans une situation des plus difficiles, — tel est le bilan des mesures financières édictées par Hardenberg dans les premières années de son administration.

Les nécessités budgétaires, les résistances encore puissantes de l’oligarchie foncière, l’avaient conduit à rejeter sur les masses le poids des taxes nouvelles, à débuter par l’établissement d’un régime fiscal essentiellement anti-démocratique. Son œuvre politique à l’intérieur de l’Etat prussien présente, par ailleurs, des aspects plus favorables.

GODEFROY CAVAIGNAC