pas de leur caste, et travaillent noblement et simplement pour la cité le mieux qu’ils peuvent[1]. » — Ainsi compris, l’art moralisera vraiment le peuple, parce qu’il ne sera plus une chose étrangère à sa vie, qui se passe au-dessus de lui comme la diplomatie, sans qu’il y donne sa peine, sans qu’il y prenne son plaisir. Il moralisera, parce qu’il sera l’ennoblissement de l’ouvrage vulgaire et journalier « qui apportera à l’ouvrier du plaisir et de l’espoir au lieu de la crainte et de la peine, et deviendra enfin l’Art pour le peuple et par le peuple, — une joie pour celui qui l’a produit comme pour celui qui s’en sert[2]. »
Certes voilà de nobles buts : il en est un cependant qui, sans doute, dans l’esprit des Anglais, les dépasse, dont ils parlent moins peut-être, mais auquel ils pensent davantage. Il ne suffit pas que l’art soit suggestif, soit didactique, soit moral, soit populaire : il faut encore qu’il soit national. Il faut qu’il soit anglais. À part de rares exceptions, l’ensemble des grands artistes britanniques est nettement opposé à toute influence étrangère, c’est-à-dire française. De Watts, de Hunt, de Burne-Jones et de toute l’école de Burne-Jones, les Strudwick, les Holiday, les Stillmann, les Rooke, les Walter-Crane, les Spencer-Stanhope, les Spence, c’est trop évident. De la part d’Alma-Tadema, c’est moins visible ; mais cependant nous ne devons pas oublier l’originalité de sa composition et sa formation à l’école du baron Wappers. Leighton, qui a étudié à peu près partout, a moins étudié en France qu’en Italie et qu’en Allemagne, et Herkomer n’y a pas étudié du tout. Millais, enfin, qui, comparé à ses collègues, ressemble à un Français, se sépare tellement de nous par sa couleur qu’on distinguerait ses toiles entre mille des nôtres. Leurs critiques les exhortent à demeurer Anglais avant tout. M. Phillips dit de Walker « qu’il avait cette qualité spéciale, qui ne pourra jamais être prisée trop haut, que, dans ses innovations, il demeure national de sentiment et de caractère, » et il ajoute que, « quelque tâtonnant et incertain que pût être, sous certains rapports, l’art de cet innovateur, cela seul que c’était une chose née du terroir et nationale au point de vue de la couleur, fit son succès. » M. Harry Quilter dit de Poynter que « son éducation a été de la méthode la plus insulaire ; ses sympathies pour l’art moderne très faibles. Ce que les Français appellent les grands contours du dessin manque totalement chez lui. » Mme Barrington, faisant l’éloge de Millais, nous apprend que « son sentiment est invariablement pur, transparent et profondément sain, et que ces qualités