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s’est demandé, avec une haute raison, si l’architecture ne serait point, comme les autres arts du dessin, « un art d’imitation. » A coup sûr elle doit imiter la nature et se conformer à ses lois sous peine de ne produire que des monstruosités ou, ce qui est pire, des monumens ridicules. L’obligation première qui va s’imposer aux hommes éminens, artistes et sa vans, quand il leur faudra arrêter les lignes définitives de leur travail, en déterminer les « ensembles », en distribuer les détails, sera d’élaguer tout ce qui nuirait au paysage, tout ce qui ne serait pas d’accord avec le milieu où l’Exposition va s’agiter, tout ce qui blesserait les lignes des perspectives ou irait à l’inverse de leur développement. Ce n’est pas par des violences et des chocs, comme on l’a fait en 1889, que l’on communiquera aux fastes que l’on nous prépare un caractère d’harmonie et d’unité, bases nécessaires du beau, même dans les ouvrages de nature variée comme une exposition. Un lien esthétique entre toutes les parties dispersées et diverses, y paraît aussi nécessaire qu’un réseau de voies de communication pour en parcourir tout le périmètre. La commission des travaux voudra bien y réfléchir, et elle le fera avec d’autant plus de prudence qu’il doit rester quelque chose des constructions à élever. Il serait fâcheux de gâter un beau site et de disloquer le beau cadre de Gabriel sous prétexte de planter très haut des oriflammes et de percer les nues avec des paratonnerres. L’architecture n’est pas un art de fantaisie soumis à la mode comme la toilette des femmes. C’est un art, le plus grave de tous, aux ordres, comme les autres, de la vérité, de la nature, et par conséquent, comme il a été justement dit, un art d’imitation. Le penseur sème ainsi les idées jusque dans les champs qui ne sont pas de sa culture. Elles croissent, les manœuvres viennent et font la moisson.


ALPHONSE DE CALONNE.