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et redoutable. Elle va faire un choix dans les dix-huit projets primés des pièces remarquables qui ont commandé les décisions du jury. Peut-être lui sera-t-il assez difficile de décider si la coupole de M. Eug. Hénard, titulaire d’une première prime, doit l’emporter sur la coupole de 100 mètres de MM. Cassien-Bernard et G. Cousin, titulaires d’une deuxième prime, si les constructions variées de M. Girault, première prime, doivent être préférées aux bâtimens réguliers et de plus noble aspect que M. J. Hermant, quatrième prime, veut élever sur les deux rives de la Seine ; si le palais du roi de Siam, imaginé par M. Gautier, deuxième prime, est préférable à la Tour de 300 mètres, que plusieurs concurrens primés proposent de faire disparaître ; s’il convient de découper cette Tour en étages ou de la décorer de flèches et de pinacles, ainsi que le voudrait maint lauréat. Toutes ces questions embarrasseront singulièrement la commission, et si son siège n’est pas fait à l’avance, elle aura peine à se tirer d’affaire sans blesser les lois de l’harmonie et de l’unité. Moins que tout autre genre de spectacle, une Exposition « universelle et internationale, » où le fer se plie à tous les caprices d’une construction légère et provisoire, oblige l’artiste ou le savant ingénieur à se maintenir strictement dans les règles absolues du beau ; le pittoresque lui suffit. Encore ne faudrait-il pas que l’œuvre ressemblât trop à un habit d’arlequin.

Un embarras plus grand surgira quand il faudra relier les Champs-Elysées aux Invalides. Ici il ne s’agit plus de bâtir pour sept mois, il faudra songer à bâtir pour des siècles. Le pont, qu’on le mette en amont ou en aval, sera conservé après l’Exposition. Il faudra donc le construire solidement, au niveau des voies adjacentes, sans ornemens superflus, sans qu’il puisse, en aucun cas, dérober au regard ni la rivière ni le double paysage de la vallée. Son axe devra être la prolongation de l’axe longitudinal de l’Esplanade ; il coupera donc la Seine en biais, très légèrement. Mais au-delà, cet axe s’arrêtera-t-il à ces bâtimens parallèles à la Seine que propose M. Hénard ? Dessinera-t-il un angle que MM. Cassien-Bernard et G. Cousin veulent couper par une fontaine monumentale et limiter par une colonnade en hémicycle ; que d’autres cherchent à briser, sans qu’il y paraisse trop, en ajoutant à l’édifice actuel des galeries circulaires, des rotondes, des coupoles, des clochers de toute sorte, palliatifs insuffisans, dispositions vicieuses, incommodes pour les expositions de tableaux et qui ne rendraient pas à la Grande Avenue cette belle perspective des Invalides que les hommes de goût regrettent ? Le plan de M. Hénard la lui rendrait peut-être après la fête : pourquoi n’en ferait-on pas un de ses principaux ornemens ? Le palais des