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si juste qu’elle a séduit une dizaine de concurrens et les a conduits tout droit à cette conséquence, suffisamment indiquée par le programme, de jeter bas le palais des Beaux-Arts et de le remplacer par une large percée qui serait bordée d’édifices non moins grands, mais mieux disposés. Le pont n’était pas nécessaire pour rétablir cette perspective ancienne. Un pont pris dans son axe longitudinal n’est guère visible à distance ; la vue franchit la rivière sans point d’appui. Il eût donc mieux valu appuyer le pont définitif au débouché de la rue de Constantine, et ne demander, « en face de l’hôtel des Invalides », qu’une large passerelle en fer pour les piétons et d’une seule volée. On aurait ainsi coupé les ailes à certaines imaginations échauffées qui nous ont construit, heureusement sur le papier seulement, des édifices prodigieux, des palais, des coupoles, des théâtres dont le moindre défaut était de gâter le paysage.

Cette préoccupation évidente de la commission supérieure et du commissaire général de rendre à la grande avenue des Champs-Elysées la perspective des Invalides que lui ménageait autrefois l’espace vide du carré Marigny, n’a pas été la seule qui ait percé dans la rédaction du programme. L’article 6 a mis en campagne les cerveaux ingénieux. Il était ainsi rédigé : « Toute liberté est laissée aux concurrens en ce qui concerne les monumens actuels, situés dans le périmètre de l’Exposition. Ils pourront proposer la conservation, la modification ou la démolition de tout ou partie de ces monumens, y compris la Tour de 300 mètres. » Tout aussitôt il était ajouté : « Par exception, le Palais du Trocadéro devra être intégralement maintenu et ne sera susceptible d’autre transformation essentielle que celle d’un agrandissement du côté du parc, s’il y a lieu. » Cette prédilection pour un édifice, dont une partie au moins, le bâtiment central, viole lourdement les lois fondamentales de l’architecture par une disproportion marquée entre ses lignes et les colonnades latérales, cette précaution prise de l’abriter contre les entreprises géniales des concurrens et de le conserver avec tous ses défauts, rapprochée des termes assez nets d’une condamnation de tous les monumens actuels, sans en excepter la Tour de 300 mètres, a paru, à beaucoup de concurrens, et à nous également, dévoiler une pensée secrète de l’administration, qui semblait être de faire table rase de tous les édifices restés debout au Champ-de-Mars, depuis la dernière Exposition, c’est-à-dire la galerie de 115 mètres, œuvre de M. Dutert, la galerie de 30 mètres avec sa coupole initiale, œuvre de M. Bouvard, les deux palais latéraux, dits « des Beaux-Arts » et des Arts-Libéraux, élevés par M. Formigé, « sans en excepter la Tour de 300 mètres, » ouvrage plus inutile que beau, mais assurément