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sans en abattre un seul. Pourtant l’opinion s’est émue de cette mainmise sur la belle promenade, et le Conseil municipal lui-même a retenti de doléances qui heureusement n’avaient aucun fondement. Il suffisait d’avoir lu le programme et jeté un regard sur le plan qui l’accompagnait pour savoir que les ombrages n’étaient pas menacés. Le programme pèche au contraire par une réserve excessive. On eût applaudi à la démolition des deux pavillons pseudo-grecs où l’architecte Hittorff a tenté d’inoculer aux Parisiens l’amour des cariatides de l’Erechtéion et des frises coloriées d’Egine. Ces constructions en plâtre offensent le goût par les développemens en fer que les besoins culinaires et chansonniers y ont ajoutés. Nous entretenons l’espoir qu’ils disparaîtront à l’heure dite où l’espace manquera. Si l’on voulait interdire les Champs-Elysées aux bâtimens de l’Exposition prochaine, il ne fallait pas la mettre dans Paris.

Une fois la plaine de Grenelle laissée à ses cheminées, je ne vois pas de quel côté on aurait pu s’étendre pour obtenir les espaces dont on avait besoin. Seuls les Champs-Elysées et le Cours-la-Reine étaient à peu près disponibles. On peut croire que le commissaire général, la commission supérieure et le ministre n’ont mis le pied sur ces terrains détachés que sous la pression de la nécessité. Il n’est pas admissible que le tracé du plan général leur ait à aucun moment paru un idéal. Le décousu des parties principales, leur éloignement les unes des autres, l’obligation de les réunir au moyen de voies de communication rapide, devaient enfanter une foule de difficultés et de lourdes dépenses. Combien il eût mieux valu s’épanouir sur une aire unique et vaste comme le parc de Saint-Cloud, que sur des tranches isolées comme le Cours-la-Reine, les Champs-Elysées, le Champ-de-Mars et le Trocadéro ! On aura beau établir des rails et faire circuler des locomotives, les visiteurs n’en auront pas moins des dizaines de kilomètres à parcourir pour entrevoir en passant les merveilles offertes à leur curiosité.

Il serait difficile d’imaginer un champ clos plus mal disposé pour la grande bataille industrielle qui doit résumer et condenser dans son enceinte tout le travail intellectuel et matériel de notre siècle. La dispersion des différentes parties, la nécessité de les relier entre elles, le défaut de parallélisme dans les axes des espaces réguliers, ont compliqué le problème. Ces défauts n’ont échappé à personne, et moins qu’à tout autre à ceux qui avaient accepté la lourde tâche de rendre une apparence d’unité à ces membres dispersés d’un si vaste corps. Ce sera un grand honneur pour eux s’ils y réussissent. À ces défauts qui interdisent une classification logique des produits exposés, on peut opposer pourtant