élèves, tous ont été d’accord pour glorifier la noblesse, l’élégance, l’exquise harmonie de son œuvre.
Son nom, désormais, est assuré de vivre. Longtemps connu des seuls lettrés, le voici presque populaire : il n’y a plus à craindre qu’il échappe aux futurs historiens de la littérature. Walter Pater a maintenant sa place à côté de Thomas de Quincey et de M. Ruskin, parmi les plus parfaits poètes de la prose anglaise. Et d’autant moins j’aurai de scrupule à revenir sur lui, pour indiquer, d’après de sûrs témoignages, les traits principaux de sa vie et de son caractère.
Je ne retiendrai cependant qu’un seul de tous les articles qu’on lui a consacrés, celui que vient de publier M. Gosse dans la Contemporary Review de décembre. C’est le seul qui m’ait paru donner de Pater un portrait vivant, le seul encore où j’aie trouvé une juste appréciation de son talent. M. Edmond Gosse est d’ailleurs un de ceux qui ont le mieux connu Pater ; et plus que personne il avait chance d’en bien parler, étant lui-même, tout à la fois, un critique et un poète.
Il nous apprend d’abord que, pour être d’origine flamande, comme son homonyme le peintre J.-B. Pater, l’auteur de Marius l’Épicurien n’avait probablement avec lui aucun lien de parenté. Sa famille, en tout cas, avait émigré en Angleterre dès le temps de Guillaume d’Orange. Mais elle semble avoir gardé dans l’émigration un grand nombre de ses coutumes et traditions nationales : ainsi l’usage s’est prolongé durant deux siècles, chez les Pater, que les fils devinssent catholiques, tandis que les filles étaient élevées dans la religion anglicane.
Le père du critique, le médecin Richard Glode Pater, fut le premier qui rompit avec cet usage. Il abjura le catholicisme et ne prit en échange aucune autre foi ; de telle sorte que ses enfans naquirent et furent élevés en dehors de toute Église. Et bien que, dès sa jeunesse, Pater ait montré un goût très vif pour la vie ecclésiastique, c’est dans ses dernières années seulement qu’il sentit vraiment s’éveiller en lui la curiosité des problèmes religieux. Il en fut, en revanche, très profondément remué. « Quand je le rencontrai pour la première fois, dit M. Gosse, c’était un païen, n’admettant d’autre guide que sa conscience personnelle. Mais d’année en année je le vis aspirer davantage au ferme soutien d’un dogme. Sa façon de parler, sa façon de vivre, devinrent de plus en plus théologiques ; et j’ai la conviction que s’il avait vécu quelques années encore il aurait pris les ordres, pour s’en aller demeurer dans une paroisse de province. »
Il était né à Shadwell, sur la Tamise, le 4 août 1839. A l’Ecole du Roi, à Cantorbéry, où il fit ses premières études, ses maîtres furent surtout frappés de la lenteur de son esprit. Et, en effet, il garda toute sa vie cette lenteur singulière, qui sans doute lui venait de sa race. Il