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séparée du delta de l’Oxus, qui constituait le noyau central du khanat de Khiva, par le vaste désert de Kara-Koum. La conquête de Khiva par les Russes en 1873, conquête dont le bruit a été éteint en Europe par les échos plus graves de la guerre franco-allemande, n’entraîna pas ‘leur soumission, et il fallut, beaucoup plus tard, de 1881 à 1887, plusieurs expéditions, combinées avec la construction du chemin de fer transcaspien, pour en faire des sujets de l’empire russe.

Le khanat de Kokan possédait de son côté, depuis 1810, les grandes villes commerçantes de Tachkent, de Tchimkent et de Hazret, qui précédemment formaient une sorte de confédération pour se protéger contre le pillage des nomades.

Au nord des trois khanats, entre ces régions riches et à climat sinon tempéré, — ses écarts excessifs dans un sens ou dans l’autre ne permettent pas d’employer ce terme, — du moins moyen, et les plaines glacées de la Sibérie proprement dite, s’étendaient les steppes habitées par les Kirghiz. Ce nom de Kirghiz, avons-nous dit, ne désigne pas une race : c’est un mot qui signifie nomades et qui s’applique indistinctement à toutes les tribus pastorales de race turco-mongole, aussi bien dans la plaine que dans la montagne, depuis l’Oural jusqu’au-delà des monts Célestes, et depuis l’Obi jusqu’au Pamir. La conquête de leur pays ne fut pas sanglante ni difficile, ou du moins elle ne présenta pas d’autres difficultés que celles qui résultaient du sol, du climat, de l’immensité des distances et des obstacles naturels. Les Kirghiz occidentaux, les Kirghiz-Kaïzaks ou Kirghiz de la plaine, qui habitent entre l’Oural et la mer d’Aral, virent leur pays annexé de proche en proche, par tranches successives, à partir du nord-ouest, sans opposer une résistance sérieuse. Les Kirghiz orientaux, riverains du grand lac Balkach et voisins des monts Tian-Chan, se donnèrent volontairement à la Russie, au milieu de ce siècle, pour échapper à l’autorité menaçante de la Chine. Leur pays forma la province du Sémiretchinsk ou district des Sept-Rivières[1], et Viernoié en devint la capitale.

Après la conquête du Sémiretchinsk et la fondation de Viernoié, les opérations, au lieu d’avoir pour base unique Orenbourg et l’Oural, devinrent convergentes, une première tête de colonne remontant peu à peu la vallée du Syr-Daria, du nord-ouest au sud-est, et un autre corps opérant du nord-est au sud-ouest, en prenant pour base Viernoié. La guerre avec les khanats devint dès lors imminente.

Le contact fut pris en 1848, à la suite de l’établissement, par

  1. Ces sept rivières sont : l’Ili, le Kara-Tal, le Kok-Sou, le Biyen, l’Ak-Sou, le Baskan et la Lepsa. Cette liste admet quelques variantes, selon les auteurs.