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ont une physionomie toute particulière et qui s’éloigne beaucoup du type que l’on a coutume de leur attribuer en Europe. Ils sont d’ailleurs remarquablement beaux. S’il faut en croire leurs traditions, ils descendraient d’une fraction du peuple hébreu déporté en Transoxane pendant la captivité de Babylone.

On voit que l’Asie centrale, ce lieu de départ probable des peuples primitifs, est l’une des contrées du globe où les races les plus diverses sont venues se mélanger des divers points de l’horizon.


II. LA CONQUÊTE MILITAIRE PAR LES RUSSES

Avant de donner quelques détails sur les résultats de l’occupation russe dans l’Asie centrale, il peut être utile de rappeler sommairement les principaux traits de la conquête du pays par la Russie.

L’histoire de cette conquête, si considérable pourtant, si bien et si rapidement menée, est peu connue en France. Elle n’a été d’ailleurs résumée que tout récemment en des écrits synthétiques. On sait que, poursuivant le plan esquissé dès le commencement du XVIIIe siècle par Pierre le Grand, plan admirablement interprété et complété par Catherine II, les avant-postes russes, dans une longue marche qui a duré près de deux siècles, ont franchi une à une toutes les étapes de l’interminable steppe qui semblait devoir les séparer à tout jamais des parties riches et populeuses de l’Asie centrale, où s’étaient conservés les restes des vieilles civilisations mongoles. Une fois le contact pris avec les royaumes issus du démembrement de l’empire de Tamerlan, la conquête militaire d’abord, l’assimilation ensuite, ont marché rapidement, et la Russie s’est constitué en vingt-cinq ans, de 1865 à 1890, un domaine colonial cinq fois plus grand que l’Algérie, cinq fois plus peuplé aussi, et qui n’est pas sans de nombreuses analogies avec cette colonie.

Les trois États indépendans qui s’étaient partagé l’héritage amoindri de Tamerlan étaient, on le sait, au moment où les Russes entamèrent la conquête de la région, les trois khanats de Khiva, de Boukhara et de Kokan. Au sud-ouest de ceux-ci, sur la frontière nord de la Perse, les Turkmènes, race guerrière et nomade, divisée en une demi-douzaine de grandes tribus, les Youmouds, les Tekkés, les Sariks, les Salors, etc., formaient une population d’environ un million et demi d’habitans, relevant nominalement du khan de Khiva, mais en réalité indépendante, étant