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De pareilles mésaventures ne sont pas à redouter là où existe un pouvoir régulier ; mais les agences de Bombay et de Calcutta ont à lutter contre les fluctuations de cours du métal argent, contre le papier véreux dont les Parsis excellent à se défaire. Si les créations faites par le Comptoir à Melbourne et à Sydney nous ont facilité le commerce direct des laines et des suifs avec l’Australie, si l’escompte des traites documentées à destination de nos manufactures du Nord et de l’Est y procure d’assez bons bénéfices, les risques aussi sont considérables.


VIII

Livrés à leur propre initiative, résidant en des climats peu démens parfois aux Européens, tenus à un train de vie onéreux que leur rôle de représentons uniques de la mère patrie leur impose, les directeurs des succursales exotiques sont assez largement rémunérés : leurs traitemens annuels varient de 15 000 à 50 000 francs. Leurs collègues des départemens français, quoique moins bien partagés, touchent, en sus de leurs appointemens fixes, une commission de 10 pour 100 sur leurs chiffres d’affaires. Quelques-uns se font ainsi jusqu’à 30 000 francs ; la plupart reçoivent en moyenne une douzaine de mille francs.

Mais, sauf ces postes de confiance en province, que la concurrence des diverses sociétés a rendus plus lucratifs, parce qu’elles se sont disputé les unes aux autres les sujets capables ; sauf quelques personnalités placées à Paris à la tête des principaux services, la masse des petits employés de banque est peu rétribuée. L’institution des établissemens de crédit n’a eu que fort peu d’influence sur la condition de cette classe de salariés bourgeois, à laquelle ses vertus modestes n’assurent qu’une existence bien étroite, moins enviable que celle de beaucoup d’ouvriers manuels. Leur avenir n’est pas mieux assuré, car il n’existe aucune caisse de retraites dans les maisons que nous avons étudiées.

La plus importante dispose, à Paris, d’un personnel de 3 000 individus des deux sexes, sur lesquels une centaine au plus a notablement profité de la révolution opérée dans la banque. Les autres y ont peu ou point gagné. Peut-être devrait-on faire une exception pour les femmes, qui forment à peu près le dixième de l’effectif ci-dessus, et qui gagnent en moyenne 125 francs par mois. Sur 100 femmes employées dans les sociétés de crédit, on compte environ 70 jeunes filles, dont beaucoup démissionnent en se mariant, 20 femmes mariées et 10 veuves. Celles-là, lorsqu’elles n’ont pas d’autres ressources, sont les moins heureuses.