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alors, — « sans qu’il s’en voie plus de 6 ou 8 000 en argent comptant. » L’or voyage encore de par le monde et les établissemens de crédit en reçoivent ou en expédient des colis appréciables ; témoin les 50 barils envoyés à l’un d’eux, ce printemps, de New-York, contenant ensemble 12 500 000 francs dont quarante-neuf seulement arrivèrent d’abord à destination, le cinquantième ayant été dérobé en route et caché sous un tas de charbon. Mais le plus souvent les sommes portées aux écritures sont représentées par des effets ou par des chèques. L’usage de ces derniers, importé d’Angleterre, se répandant de plus en plus, la grande banque arrive à remplir, pour de très modestes citoyens, le rôle d’un intendant vis-à-vis de son maître. C’est un serviteur collectif. Elle gère des milliers de fortunes mobilières. Moyennant une rétribution minime, elle garde les valeurs, encaisse les coupons, paie les dépenses de chacun. Le nombre est de plus en plus grand des personnes qui, ne gardant chez elles que peu ou point d’argent, n’ont pas à redouter les larcins.

Quant aux sociétés de crédit, devenues le point de mire de fraudes innombrables, elles se tiennent sur leurs gardes, ce qui ne les empêche pas d’être parfois victimes d’habiles chevaliers d’industrie. L’un d’eux va demander lin chèque de peu d’importance sur telle ou telle ville, en verse le montant et, une fois en possession du « document », lave au moyen d’agens chimiques la somme portée en lettres et en chiffres, qu’il remplace par une autre, très supérieure. Comme les petits chèques, afin de faciliter la rapidité des relations, ne sont généralement pas avisés, le banquier sur lequel celui-là a été fourni n’en a pas été informé ; mais, se voyant en face de signatures authentiques, il n’hésite pas à en effectuer le paiement. Surtout si le porteur a de l’audace et ne se laisse pas démonter. Un novice du métier, ayant pris et payé à Gènes un chèque de 1 800 francs sur une banque de Marseille, le présente à cette dernière, après avoir très adroitement changé les 1800 francs en 18000. Tandis qu’immobile devant le guichet il attend son argent, le contrôleur, d’ailleurs sans méfiance, demande à haute voix une explication au caissier. Le faussaire, se croyant découvert, tourne les talons, ouvre la porte et prend la fuite. Ce fut un voleur volé : il perdit les 1800 francs qu’il avait déposés à Gênes, car il ne reparut jamais.

Dans les sociétés de crédit, les chèques, avant d’être payés, sont soumis à un contrôleur qui vérifie les avis, les signatures et la provision. Ayant remarqué que le chèque, dûment visé, était après ces constatations rendu au bénéficiaire, certains escrocs, après l’avoir mis en poche, allaient chez eux en majorer la valeur par les procédés indiqués plus haut, puis revenaient le toucher à