Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le nouveau Comptoir d’Escompte, auquel est échue la bonne fortune d’avoir maintenant pour directeur un homme d’un rare mérite, M. Alexis Rostang, lutte avec le Crédit lyonnais sur le terrain pacifique des effets de commerce.

Le patronage des valeurs nouvelles, la participation à des entreprises de longue haleine, ne deviendront pas, par cela même, le monopole de la banque individuelle. Il s’est aussi fondé, depuis trente ans, des associations de capitalistes qui, ne recevant point de dépôts des particuliers, se livrent en commun à ce genre d’opérations.

Le type le plus parfait en ce genre est la Banque de Paris et des Pays-Bas. Elle se constitua en 1872 par la fusion de deux maisons, l’une parisienne, l’autre hollandaise. La première, dirigée sous l’Empire par MM. Cernuschi, Delahante et Joubert, sans guichets ni correspondans, ressemblait, par le chiffre élevé des actions émises à 25 000 francs, par le petit nombre de mains qui les détenaient, à une aristocratie de grosses fortunes plutôt qu’à un peuple de petits porteurs. Son influence dans les sphères gouvernementales lui permit d’obtenir du Crédit foncier, moyennant un intérêt de 2 pour 100, les sommes que cet établissement recevait en dépôt et dont elle-même tirait aisément 8 pour 100 en ce temps-là. Quant à la Banque des Pays-Bas, originaire d’Amsterdam où était son siège social, française par la nature de ses opérations, elle avait pour chef un financier accompli, M. H. Bamberger, qui avait su créer, grâce à ses succursales, des relations étendues en Belgique et en Suisse. La nouvelle Banque de Paris et des Pays-Bas, disposant de 62 millions versés, divisés en 125 000 actions, a peu à peu, par l’union autour de sa table de conseil et dans son cénacle le plus intime, de seigneurs d’un nombre respectable de gros lingots, distancé les maisons isolées de la haute banque, dont l’influence et la sphère d’action se sont amoindries.

Sur ce marché de Paris, — où viennent, comme à un rendez-vous convenu, se faire brasser les affaires du globe ; où l’on soupèse la recette kilométrique de voies ferrées dans l’Argentine, la tonne d’affrètement d’une ligne de steamers dans l’océan Indien, le rendement d’une mine dans l’Afrique australe ; où l’on sonde les plaies métalliques des États rongés par le cancer du papier-monnaie, et où l’on médicamente avec des toniques les crédits anémiés, — sur ce marché si vaste, la loi qui pousse les forces modernes au groupement agit avec une évidente autorité. Si l’on excepte la maison Rothschild qui conserve son autonomie, la plupart des banques privées subissent plus ou moins l’ascendant de deux centres d’attraction : la Banque de Paris et la Banque