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tombé en faillite à la suite de la guerre franco-allemande. La Société générale dut se charger ainsi des parts de plusieurs défaillans. Vinrent alors, dans l’Amérique du Sud, les prétentions exorbitantes du gouvernement qu’elle ne put satisfaire, la brouille qui s’ensuivit, la vente à d’autres acheteurs par ce gouvernement d’un nouveau stock de guano, égal au précédent, qui vint lui faire concurrence sur les marchés ; puis la faillite du Pérou, qui cessa de payer les intérêts de sa dette, l’émission du papier-monnaie et son cours forcé qui porta le change à des hauteurs vertigineuses ; enfin, et pour dernier coup, les révolutions éclatant à Lima et la République péruvienne en proie à une guerre civile entre les divers candidats à la présidence.

Cependant et tandis que les mouvemens de la Société générale étaient paralysés par l’émigration de ses capitaux, une nouvelle société surgissait, au centre de la vie parisienne, débordante elle-même d’activité. Elle se bâtissait sur le boulevard des Italiens un palais qui a coûté 30 millions, quoiqu’il soit trop étroit encore et qu’il lui faille découper en tranches les maisons voisines. Conduit par un homme en qui s’incarnait le génie de la banque nouvelle, M. Henri Germain, son fondateur, son président et, pour tout dire, son âme, le Crédit lyonnais s’emparait peu à peu du premier rang. Les ambitions de M. Germain sont-elles satisfaites ? Qui pourrait le croire ? Jeune d’esprit et de corps, marcheur infatigable, quoiqu’il ait 70 ans révolus, il compte aussi peu les kilomètres à la chasse que les heures de travail dans son cabinet, pour l’examen de cette énorme comptabilité des 150 agences du Lyonnais, dont la situation, arrêtée chaque samedi soir, est mise sous ses yeux chaque mardi matin. Quoiqu’il gémisse sur le présent et sur l’avenir de la banque en général, « moins rétribuée, dit-il, que la moyenne des industries, sujette à trop de périls, et susceptible de trop peu de bénéfices », M. H. Germain, qui du reste est en partie l’auteur de cette révolution, est forcé de l’accentuer, tout au moins de la maintenir, puisque son rêve est de voir Paris se substituer à Londres dans le commerce d’argent du monde : or c’est seulement par l’appât de traitemens meilleurs que le papier d’une place se peut attirer sur une autre.

Depuis le jour pourtant où le président du Crédit lyonnais, frappé, d’une part, de la morgue des grandes banques, de l’autre des difficultés de loucher ses coupons et de placer son argent en dépôt, concevait l’idée d’un nouveau type : le bazar à métaux précieux, avec politesse dans les rapports et amplitude dans les proportions, jusqu’à la réalisation complète de ce plan dans ces bureaux actuels, où subsistent le moins de cloisons possible, —