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Les établissemens de crédit, trouvant précisément que les frais, pour de pareil papier, dépassent les bénéfices, repassent volontiers à la Banque ce qu’ils en ont, lors des échéances.

De plus le cours de l’escompte est capricieux ; il saute en quelques semaines du simple au double. Si la Banque de France modifiait le sien douze fois par an, — comme la Banque d’Angleterre qui, d’un mois à l’autre, en 1893, passait de 2 et demi à 5, — le commerce ne manquerait pas de jeter les hauts cris. La fixité du taux est un mérite de notre grande institution nationale, contraire peut-être à ses intérêts propres, mais à coup sûr avantageuse au public. Attentive à la maintenir, elle sait, lorsque le chèque sur Londres menace de monter au gold point, autrement dit d’atteindre le niveau où l’exportation de l’or français en Angleterre deviendrait profitable, se défendre par des procédés qu’il n’y a pas lieu d’indiquer ici, mais qui font honneur à son ingéniosité.

Les dépôts à échéance fixe, mais peu éloignée, produisent un intérêt plus fort que celui des dépôts à vue ; l’établissement de crédit doit donc leur faire rapporter davantage. Ayant ici quelques semaines ou quelques mois pour se libérer, il consent à ses emprunteurs un délai analogue, et place ces fonds en avances sur titres ou marchandises. Celles-ci sont les moins importantes : les marchandises warrantées ne représentent que 12 millions de francs, contre 62 millions de prêts sur titres, au Comptoir d’Escompte. La proportion entre la somme avancée et la valeur des articles servant de gage, — qu’il s’agisse de peaux, de sucres ou de fers, — varie suivant la stabilité de leur prix et la cherté plus ou moins grande du moment. Il va de soi que les chances de dépréciation sont moindres quand les cours sont bas. La plupart des établissemens s’accordent à suivre à ce sujet le tarif établi par la Banque de France. Quoique d’ailleurs les sociétés de crédit accueillent indifféremment les fonds d’Etat, actions et obligations, français et étrangers, cotés ou non à la Bourse, les bilans réunis du Crédit lyonnais, du Comptoir d’Escompte et de la Société générale n’accusent ensemble, en fait d’avances sur valeurs mobilières, que 200 millions, tandis que la Banque de France, quoiqu’elle n’admette qu’une centaine de valeurs, exclusivement françaises, absorbe dans ce service une moyenne de 300 millions. Ici la lutte était plus difficile parce que, les valeurs sur lesquelles portent les emprunts étant moins solides, ou moins aisément négociables, la prudence oblige les établissemens libres à se montrer moins larges, aussi bien sur le taux que sur la quotité des prêts.

Le principe de la division des risques, qui règle la composition