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de père en fils et où sont encore représentées, à la troisième génération, cinq familles qui remontent à la fondation, vieille de près d’un demi-siècle. Le Crédit lyonnais possède deux contrôles, aux sièges de Paris et de Lyon ; si par hasard un engagement douteux a été contracté, il est signalé aussitôt, afin que l’erreur commise ne se renouvelle pas.

Cet ensemble de précautions, et la multiplicité des renseignemens qu’elle comporte, sont nécessaires, non seulement pour se garer des pertes possibles, mais aussi pour éviter, en cas de réescompte à la Banque de France, de se voir refuser le papier défectueux par le crible du second degré qui fonctionne auprès de celle-ci, sous- forme de comité non moins sévère que les précédens et, qui plus est, absolu. Jamais le gouverneur ne se mêlerait de faire admettre un effet écarté par le conseil. La signature de personnages haut placés, mais mauvais payeurs, y est rebutée comme celle de simples mortels, et des billets de députés sont protestés avec le sans-façon le plus parfait par les huissiers de la maison. Les risques sont d’ailleurs très divisés : à la Banque la moyenne des effets a été en 1893 de 661 francs ; au Comptoir d’Escompte elle est descendue de 669 francs en 1892 à 587 francs en 1893. A la Société générale, dont les traites sont au nombre de 11 millions et demi par an, elle n’est que de 533 francs. Les autres établissemens oscillent entre ces divers chiffres. Grâce aux soins multiples pris par ces sociétés, les pertes provenant de créances irrécouvrables se sont renfermées dans des limites au-dessous desquelles il est difficile de descendre. Sur un mouvement de portefeuille qui dépasse 14 milliards de francs, le Crédit lyonnais ne perd pas annuellement plus de 300 000 francs. C’est un chiffre légèrement inférieur à celui de la Banque de France, pour un portefeuille presque identique.


II

Ainsi placés entre la nécessité de se procurer de bon papier, pour utiliser leurs dépôts, et la difficulté d’éloigner le mauvais pour ne pas perdre leur argent, les établissemens de crédit se sont fait les uns aux autres une concurrence active, dont le capital travailleur a recueilli tous les fruits, tandis que le capital oisif en faisait tous les frais. Le taux de l’escompte est allé sans cesse s’abaissant au profit de l’industriel, en même temps que l’intérêt des dépôts diminuait au préjudice du rentier.

Pour pouvoir vendre à l’un les espèces bon marché, il fallait ne pas les acheter trop cher à l’autre. Opérant sur des sommes