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de France par le montant relativement minime de chacun de ces comptes comparé à celui qu’ils atteignent à la Banque officielle : à cette dernière, le solde d’un compte particulier est en moyenne de 38 000 francs ; au Crédit lyonnais il n’est que de 6 000 francs. Seulement le nombre des comptes ouverts par le Crédit Lyonnais est de 155 000, tandis que celui des cliens de la Banque de France ne dépasse guère 15 000, soit le dixième de l’autre. Loin de se contrarier, chacun de ces rouages a son rôle distinct. Les sociétés de crédit proclament hautement qu’elles ne pourraient subsister sans la Banque de France, dont l’organisation, plus parfaite que celle de n’importe quelle banque d’État, très supérieure notamment à la Banque d’Angleterre, — qui fait l’admiration de tous les gens incompétens, — sert de base aux transactions sur la totalité du territoire.

Unir la puissance des capitaux et des relations d’une banque d’État à la souplesse, à l’esprit commercial d’une banque privée ; varier le traitement de la clientèle suivant les circonstances ; fuir le machinisme inflexible sans se départir des règles qu’impose la prudence dans un colossal maniement de fonds, tel était le programme. Les financiers qui lui sont restés fidèles, ou qui, l’ayant passagèrement perdu de vue, ont su revenir bien vite à son exécution, sont ceux qui dirigent à présent les maisons les plus prospères.

Une innovation de ces banques collectives, c’est la publicité de leurs bilans et de leurs entreprises. La pénétration du grand jour, le contact avec l’opinion, signalent les conceptions actuelles, aussi bien dans l’industrie privée que dans le domaine politique. Les idées anciennes sur la pudeur des chiffres, sur ce que les hommes d’ancien régime nommaient le « secret des finances », ne s’accommodaient pas d’une pareille audace. C’était un système, pour les banques d’autrefois, de s’envelopper de mystère. Par ce procédé, qui donnait libre cours à des appréciations exagérées, leurs encaisses apparaissaient au public comme des puits sans fond. On suppose, écrivait en 1721 un négociant estimé, que le numéraire de la Banque d’Amsterdam « est de 3 000 tonnes d’or, qui, évaluées à 100 000 florins la tonne, feraient un produit presque incroyable… » Lorsque les armées françaises, au temps de la Révolution, envahirent la Hollande, il ne se trouva pas à Amsterdam la vingtième partie de ce que représentait cette somme. À Hambourg, les teneurs de livres faisaient serment de ne point révéler le total des dépôts entrant ou sortant, et, grâce à leur silence inviolable, la situation de la banque demeurait ignorée. Fidèles à ces erremens, les maisons privées