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APRES
UNE VISITE AU VATICAN

Le 27 novembre de l’année qui vient de finir, j’ai eu l’honneur d’être reçu par Sa Sainteté le Pape Léon XIII, en audience particulière. Ce qu’il a bien voulu me dire, on ne s’attend sans doute pas que je commette ici, ni nulle part, l’indiscrétion ou l’inconvenance de le publier. Mais, si cette visite m’a naturellement suggéré quelques réflexions, j’ai pensé qu’il pouvait être opportun, — ou actuel, comme l’on dit — de les mettre par écrit. On ne trouvera pas, et j’espère que le lecteur ne cherchera pas autre chose dans les pages qui suivent.


I

Le temps n’est pas très éloigné de nous où l’incrédulité savante passait communément pour marque ou pour preuve de supériorité d’intelligence et de force d’esprit. On ne méconnaissait pas l’importance des « religions » dans l’histoire, ni surtout celle de la « religion » ou du « sentiment religieux » dans le développement de l’humanité. C’était même le point qu’on se flattait d’avoir gagné sur l’esprit du XVIIIe siècle ; et, tout en faisant profession d’incroyance, ou ne laissait pas de reprocher aux Voltaire, aux Diderot, aux Condorcet, la violence injurieuse de leur polémique antichrétienne, la déloyauté de leur argumentation, et l’étroitesse de leur philosophie. Mais on n’en voyait pas moins, —