accompagnemens populaires, la gravure, la lithographie, n’auraient pu prendre de grands développemens et se répandre dans une société qui aurait déclaré la guerre au luxe.
Sans doute, il y a une sorte d’usage grossier, insolent et absurde du luxe : c’est celui qui ne cherche qu’à éblouir fastueusement la foule et même à l’humilier. La morale condamne cette sorte de triomphe impertinent et lâche de la richesse sur la médiocrité qui l’environne. Le luxe de simple ostentation, comme un grand étalage de valets inutiles, mérite les sévérités de l’opinion publique. Mais cette catégorie de luxe va, en général, en diminuant. La consommation déréglée de richesses et d’efforts humains que faisaient les Romains de la décadence, les excentricités fastueuses que l’opinion publique châtie chez quelques parvenus ou fils de parvenus, qui rappellent les fils d’affranchis de l’ancienne Rome, ces dérèglemens effrontés du luxe se font plus rares de notre temps. Le luxe se montre moins au dehors et sur les places publiques ; il se contient, il se renferme dans l’intérieur, il se fait plus discret, il a une sorte de pudeur qui lui défend, en s’étalant brutalement au grand jour, de choquer ceux qui ne peuvent en jouir. Il ne sépare pas les diverses classes humaines ; il comporte l’hospitalité, les relations cordiales sans hauteur ou arrogance ; il va souvent de pair avec l’épargne ; il ne supprime pas les sentimens de sympathie, ni les œuvres de charité pour les malheureux. Ce luxe de bon goût et de bon sens, il est impossible à un homme judicieux de le condamner.
Beaucoup d’économistes, dans leur sévérité à l’endroit du luxe, se sont livrés à des argumens très inexacts et ont commis des erreurs économiques grossières.
Voici la principale de ces erreurs, de beaucoup la plus répandue.
On s’imagine, comme Rousseau et Montesquieu, dans les passages reproduits au débat de cet article, que, si le luxe n’existait pas, la société serait beaucoup mieux pourvue d’objets utiles. Si l’on ne consommait pas, dit-on, pour un milliard de francs d’objets de luxe, on pourrait avoir pour un milliard de plus de blé ou de pommes de terre, ou de vêtemens communs. Si quelques-uns n’étaient pas trop riches, personne ne serait pauvre. Ce raisonnement est inexact pour deux raisons :
1° Un milliard de francs d’objets de luxe ne correspond nullement, comme on se l’imagine, à la somme de travail et de forces