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et exceptionnelle, mais parce qu’il apporte des aggravations considérables à certains articles du code militaire et du code pénal. L’excitation au crime est punie d’un emprisonnement qui peut s’élever jusqu’à trois ans, même lorsqu’elle n’est pas suivie d’effet. La simple apologie est assimilée à l’excitation et punie en conséquence. De même la menace de commettre un crime. Les peines sont rigoureuses. « Quand le coupable, dit le projet de loi, aura agi dans l’intention de coopérer au renversement, par la violence, de l’ordre de choses établi ou de favoriser des projets tendant à ce but, il sera passible de la peine de la prison avec travail forcé pouvant s’élever à cinq ans, et il pourra ensuite être soumis à la surveillance de la police. » Le nouvel article 130 du code pénal va plus loin : c’est celui-là sans doute qui soulèvera l’opposition la plus vive, et il faut convenir que les termes en sont singulièrement élastiques. Il condamne à une amende de 600 marks et à deux ans de prison « ceux qui auront, d’une manière susceptible de troubler la paix publique, attaqué publiquement, en proférant des injures, la religion, la monarchie, le mariage, la famille ou la propriété », et enfin « ceux qui auront allégué des faits de nature à jeter le discrédit sur les institutions de l’État, faits qu’ils savaient faux ou que, d’après les circonstances, ils devaient considérer comme tels ». La rédaction de ces articles gagnerait, ce semble, à être plus précise ; toutefois on regarde comme probable que le projet sera adopté dans son ensemble. Nous ne pouvons qu’en attendre la discussion.


A Pesth, le cabinet Weckerlé était il y a quelques jours sur le point de donner sa démission; il semble aujourd’hui plus solide que jamais. La crise provoquée par le vote des lois ecclésiastiques a été longue et pleine d’incidens divers ; elle est arrivée enfin à son terme. L’empereur et roi a mis si longtemps à ratifier les lois libérales qu’on a cru un moment qu’il s’y refuserait. Le mécontentement grandissait en Hongrie, et comme François-Joseph était loin et M. Weckerlé tout près, c’est sur ce dernier que le poids principal en retombait. M. Weckerlé s’est rendu à Vienne où il a eu une conférence avec le souverain : à son retour à Pesth il a annoncé que les lois allaient être ratifiées. Pourtant, les jours se passaient sans qu’elles le fussent; l’inquiétude et l’irritation devenaient de plus en plus vives, et l’on commençait à craindre le renouvellement des scènes tapageuses qui se sont produites il y a quelques mois. C’est alors que, sur un objet d’ailleurs insignifiant, le gouvernement a été mis en minorité par la Chambre des députés et qu’on a annoncé sa démission imminente. François-Joseph a compris que la corde était tendue au point de se rompre, et il s’est décidé à ratifier les lois de laïcisation. Peut-être a-t-il été toujours résolu à finir par là ; il a donné assez de preuves de son esprit politique et de sa correction constitutionnelle pour qu’on