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ainsi. Cet incident, qu’il aurait été facile d’éviter, semble fait exprès pour troubler encore davantage nos rapports avec l’Italie juste au moment où, des deux côtés des Alpes, des hommes de bonne volonté faisaient de courageux efforts pour les améliorer. Aussi s’est-on mis chez nous à tout observer, à tout relever, à tout critiquer. On a remarqué, par exemple, que le roi Humbert, dans son discours d’ouverture du Parlement italien, avait parlé avec émotion de la mort du tsar Alexandre III et n’avait rien dit de celle de M. Carnot. Cette lacune a suffi pour faire oublier un moment les témoignages de douleur que tous les pouvoirs publics, en Italie, ont multipliés après le drame de Lyon, et qui nous ont été alors si sensibles. Il y a certainement en cela beaucoup d’exagération ; le roi Humbert a pu croire très légitimement qu’il n’avait pas à renouveler les marques de sympathie qu’il nous avait déjà données il y a plus de cinq mois. La mort du tsar est relativement toute récente. Toutefois, il faut bien constater que l’empereur Guillaume n’en a pas jugé ainsi au moment où il a ouvert lui-même le Reichstag allemand, et, dans le discours qu’il a prononcé à cette occasion, il a joint au souvenir du tsar Alexandre III celui du Président Carnot. La comparaison s’est naturellement établie entre les deux discours, elle ne pouvait pas être à l’avantage du roi Humbert. Mais on aurait tort d’attacher de l’importance à une omission qui n’en a certainement pas. Les sentimens du roi d’Italie sont assez connus pour qu’il ne se sente pas obligé de les exprimer à tout propos, et si nous signalons l’impression que la lecture de son discours a produite en France, c’est pour en montrer ailleurs la véritable cause.

Nous avons jusqu’ici peu de chose à dire du Parlement italien et du Reichstag allemand. A Rome, une émotion très vive s’est produite à la suite du dépôt par M. Giolitti, sur le bureau de la Chambre, des documens plus ou moins compromettans qui ont été soustraits du procès Tanlango. Que révéleront ces papiers et les scandales italiens vont-ils recommencer ? M. Crispi aurait voulu que la Chambre se refusât à les recevoir et les rendît à M. Giolitti, sans lui donner aucun conseil sur ce qu’il devait en faire. La Chambre s’est refusée, en effet, à lire elle-même les documens, mais, sur la proposition de M. Cavallotti, elle a nommé une commission de cinq membres, dont M. Cavallotti fait partie, et l’a chargée d’en prendre connaissance et de lui en référer. Au fond, par une voie indirecte, c’est un moyen de rester saisi des papiers de M. Giolitti et de savoir ce qu’ils contiennent. On avait tant répété que M. Giolitti s’y trouvait personnellement compromis, qu’il a finalement perdu patience, et c’est lui, à son tour, qui cherche à compromettre ses adversaires politiques. Mais qui sait si tout ce nuage ne se dissipera pas en fumée ?

En Allemagne, le nouveau ministère a déposé, aussitôt après l’ouverture du Reichstag, un projet de loi contre les menées anarchistes. Ce projet est très sévère, non parce qu’il inaugure une législation nouvelle