l’Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique[1] dont le premier volume est exclusivement consacré à l’Égypte et à la Chaldée. M. Maspéro a voulu en fixer les origines tandis que l’heure presse et que l’Égypte des Orientaux achève de mourir, et cette fois d’une mort qui ne renaîtra plus des cendres exhumées des hypogées, comme pour justifier la croyance sacrée de ce peuple : que le salut du mort est compromis si le cadavre est dérangé de son repos. L’auteur est, on le sait, un égyptologue consommé : non seulement il n’ignore aucune des découvertes faites dans la vallée du Nil, ni des travaux auxquels l’Égypte a donné lieu, mais il a franchi plus d’une fois lui-même le seuil de la « maison éternelle » que gardent Anubis et Osiris, fait plus d’un voyage souterrain chez les plus vieux d’entre les morts, vu le premier Sésostris face à face, pénétré dans ces « demeures pour l’éternité » où se mêlent tous les souvenirs de l’existence terrestre du défunt, où tous les menus détails de sa vie domestique, de sa carrière, de ses voyages, de ses travaux quotidiens se trouvent retracés, où il est là au milieu des siens, de sa femme, de ses enfans, de ses domestiques et cliens, de ses laboureurs, de ses bœufs, de ses chiens et de ses singes, représentés sur les parois de chaque chambre, et semble présider, dans ces scènes familières et très réalistes, les jeux mêmes, les chants et les danses des jeunes filles aux cheveux tressés de couronnes et rehaussés d’ornemens d’or, — tous spectacles dont il paraît se réjouir encore. Rien de plus précis et de plus saisissant que les descriptions qui accompagnent l’explication de ces sculptures et de ces inscriptions. On y voit se dérouler toute l’odyssée de ce peuple, immuable dans sa naïveté tandis que le savant exégète nous conduit de tombeau en tombeau, de pyramide en pyramide, vers tous ces monumens énormes qui ont couvert la plaine de Thèbes aux cent pylônes, s’arrêtant ici et là pour déchiffrer les annales de tous ces règnes sans nombre, d’après tous ces hiéroglyphes qui sont le « livre toujours ouvert de cette civilisation triomphante. » Il s’appuie sur la solidité et la persistance de tous ces témoignages pour remonter à l’origine de cette civilisation, vieille de plus de 5 000 ans, jusqu’au de la du XXIVe siècle avant notre ère, à son développement qu’il prend sur le fait en quelque sorte. Il décrit minutieusement les mœurs, la religion, l’organisation des États qui se succèdent, les relations commerciales de ces peuples entre eux, l’invasion violente et la conquête des Hycsos, tout ce colossal ensemble, tout ce que ce monde renferme de trésors et de révélations sortis du Livre des morts ou du Serapeum.. Car ici la lumière vient d’en bas et émerge du sol, et la vie naît de la mort, et de la mort qu’on croyait éternelle !
Les illustrations du volume sont dignes du texte qu’elles font encore
- ↑ Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique. — Les Origines, Égypte et Chaldée, par G. Maspéro, 1 vol. gr. in-8o; Hachette.