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philosophie sont les deux servantes de son imagination, et lui fournissent, l’une les matériaux, l’autre les plans des palais enchantés qu’elle évoque. Michelet a été un des premiers en France à recourir aux sources manuscrites pour la composition d’une histoire générale. De 1830 à 1834 il consacrait toujours plusieurs conférences à des discussions de textes, en particulier à l’examen des lois barbares ; il accompagnait chaque leçon d’une bibliographie ; il tenait ses élèves au courant de ses découvertes aux Archives ; il leur faisait faire des analyses de livres d’érudition et des études de textes. Mais son cours ne s’attardait pas au récit détaillé des événemens; il les supposait connus et en donnait la philosophie, non pas présentée en langage abstrait et sous forme d’idées générales, mais rendue sensible par quelques faits concrets, particuliers et caractéristiques, décrits dans le langage le plus pittoresque et le plus imagé. La méthode de Michelet consistait toujours à prendre les faits comme des symboles, des « hiéroglyphes idéographiques » ; et la victoire de l’esprit sur la nature était toujours le fond de sa philosophie de l’histoire. La France occupait la plus grande place dans ce cours, mais toute l’histoire européenne y était rattachée comme à son centre naturel. Chaque année la répartition des leçons variait quelque peu ; les sujets traités brièvement une année étaient plus développés l’année suivante, mais le fond restait le même. En 1830-31 le cours s’étendait jusqu’à Louis XI; en 1835-36 il allait jusqu’au XVIIe siècle; mais alors il avait fallu sacrifier les leçons d’érudition sur les lois barbares. La publication des Origines du droit français les rendait moins nécessaires[1].

A côté de ce cours suivi qui occupait ce qu’on appelait la grande leçon, et qui était fortement conçu, très préparé pour le

  1. Voici le sommaire des leçons de 1830-31 ; il donnera une idée des grandes divisions du cours : 1. Caractères de l’histoire moderne. — 2. Les Invasions. — 3. Les Germains. — 4. La Gaule romaine. — 5-8. Étude des lois barbares. — 9. Les Mérovingiens. — 10. De Charles Martel aux temps féodaux. — 11. Dissolution de l’empire carolingien. — 12. La féodalité et les dynasties nouvelles. — 13. Faiblesse de la monarchie au Xe siècle. — 14. La France et l’Angleterre au XIe siècle. — 15. Les Normands. — 16. Les Mahométans et l’Empire grec. — 17-19. Les Croisades. — 20. Caractères populaires de la Royauté, de Louis VI à Philippe-Auguste. — 21. La France et l’Angleterre au XIIe et au XIIIe siècle. — 22. Jean sans Terre. Henri III. — 23. État de l’Europe vers 1300. — 24. Philippe le Bel. — 25. Angleterre. Edouard Ier. — 26. Géographie de l’Allemagne. — 27. L’Allemagne de Lothaire II à Frédéric Ier. — 28. Pise, Gènes et Venise jusqu’en 1300. — 29-31. L’Allemagne de Rodolphe de Habsbourg à Charles IV. Les Suisses.— 32. Rienzi. — 33. Résumé de l’histoire de l’Europe jusqu’au XIVe siècle. — 34. L’Église. Occam. Wiclef. Jean Huss. — 35. Conciles de Constance et de Bâle. — 36. Luther. — 37-38. France et Angleterre de 1307 à 1360. — 39. De Charles V à Charles VII. — 40. Les races, le droit politique et la langue en Angleterre. — 41. L’Espagne au moyen âge.