voyage que la piété de sa veuve nous a fait connaître[1]. Au retour, son Histoire de la République romaine était achevée dans son cerveau, sinon entièrement écrite. Elle parut en 1831. Elle devait être complétée par une histoire des empereurs. Celle-ci fut plusieurs fois ébauchée dans les leçons de Michelet à l’Ecole normale, et les fragmens que nous en connaissons nous autorisent à penser qu’elle ne l’eût cédé en rien, pour l’originalité et la profondeur, à l’Histoire de la République. Il y aurait montré les bienfaits que l’administration impériale, même celle des mauvais empereurs, apporta aux citoyens de l’Orbis romanus, ce qu’ils firent pour l’unité morale et matérielle du monde, pour l’établissement de l’égalité civile, pour la jurisprudence et pour le droit de tous les temps. Mais la révolution de Juillet, qui éclata trois mois après son retour, lui fit remettre à un avenir indéterminé l’achèvement de l’histoire romaine, l’enleva à l’antiquité, et l’obligea à ne plus s’occuper que du moyen âge et des temps modernes.
Dans l’Introduction à l’histoire universelle, écrite, comme il l’a dit, « sur les pavés brûlans », et qui résumait en traits de flamme la philosophie de l’histoire qui inspirait son enseignement, Michelet exprime encore l’espoir de donner une histoire complète de Rome ; mais il fut détourné de son dessein par les changemens apportés le 30 octobre 1830 à l’organisation de l’École préparatoire. On lui rendit son nom d’Ecole normale ; on y rétablit la scolarité de trois ans et on confia l’enseignement de l’histoire à deux professeurs : Lebas, en première année, était chargé de l’histoire ancienne ; Michelet, en seconde année, de l’histoire du moyen âge et des temps modernes. Tous deux se partageaient la direction des exercices pratiques de la troisième année en vue de l’agrégation. Michelet, qui concevait toujours l’histoire comme une grande synthèse philosophique, ne voulut point priver ses élèves des travaux qu’il avait faits de 1827 à 1830, alors que l’histoire ancienne était le principal objet de ses leçons; nous le voyons en 1831-32 et en 1833-34 refaire aux élèves de troisième année ses anciens cours sur l’Orient, la Grèce et Rome ; mais ses deux conférences de seconde année furent toujours consacrées à la France et à l’Europe moderne. Sa nomination comme chef de section aux Archives en 1831 mit à sa portée une mine inépuisable de documens qu’il fouilla avec passion. Il y retrouvait les émotions qu’il avait ressenties, tout enfant, dans le musée des Monumens français, quand il y évoquait les ombres de Chilpéric, de Dagobert et
- ↑ Rome, 1890.