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le 22 septembre : « Si Votre Excellence se proposait de séparer l’enseignement de la philosophie de celui de l’histoire, j’ose espérer qu’elle me permettrait de conserver le plus important et le plus élevé des deux, celui de la philosophie. Au cas où la traduction du grand ouvrage de Vico ne semblerait pas un titre suffisant, je présenterais la traduction achevée de deux ouvrages de Reid et de Dugald-Stewart. » M. de Montbel ne fit pas droit à cette demande. Michelet était suspect de tendances cousiniennes, et la philosophie de Cousin était alors mal vue du pouvoir, comme entachée de libéralisme. On lui préféra M. Saphary, un condillacien qui offrait, disait-on, les plus grandes garanties au point de vue religieux, mais dont les élèves refusèrent si obstinément de suivre les leçons qu’il fallut se résigner à le remplacer par Jouffroy.

Dubois se plaignit amèrement, dans le Globe du 18 novembre, de l’acte d’autorité qui imposait à Michelet un enseignement pour lequel il n’était point préparé. Mais Michelet, après un moment de mauvaise humeur, se fît bien vite à sa nouvelle situation et justifia la décision de M. de Montbel, par le cours d’histoire romaine qu’il fit dans l’hiver de 1829-1830. Tout y était nouveau pour ses auditeurs : le plan, les idées, les conclusions; tout y était exprimé avec une originalité, une force, un éclat incomparables. Les deux premières leçons avaient pour objet de marquer la place de Rome dans l’histoire de l’humanité. La troisième était consacrée à la géographie de l’Italie, la quatrième et la cinquième à ses populations. La religion, les institutions, les arts des Etrusques occupaient trois leçons ; les trois suivantes étudiaient le Latium, les Latins, leur agriculture, leur industrie, leur culte. La discussion des documens relatifs à la primitive histoire de Rome, l’examen des systèmes de Vico et de Niebuhr, la démonstration de l’incertitude des premiers siècles de Rome formaient cinq autres leçons. Ensuite venaient la topographie de Rome, l’histoire des origines, une leçon sur Servius Tullius, une sur la population de Rome, une sur les plébéiens et les patriciens, deux sur l’Ager romanus et les colonies, deux sur les révolutions de Rome jusqu’à 405, enfin quatre leçons très approfondies sur la loi des XII tables.

Le travail excessif auquel Michelet s’était livré depuis son entrée à l’Ecole préparatoire avait profondément ébranlé un organisme qui fut toujours frêle. Il dut prendre un congé de deux mois et se faire remplacer en mars et avril 1830 par M. Chardin. Il consacra ce temps de repos forcé à visiter l’Italie et surtout Rome. Nous pouvons l’y suivre pas à pas dans le beau journal de